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Défi du commerce #2 : Favoriser la circulation de son offre

08
juil
2019
Depuis plus de cinquante ans, consommation rime avec accumulation. Toujours plus, toujours plus performant, toujours plus à la mode. Ce modèle montre désormais ses limites, confronté à la question du sens à donner à cette course permanente et à celle de ses effets sur l’environnement. Conséquence : de nouvelles formes de consommation commencent à émerger où chaque achat s’accompagne d’une dimension responsable.

Les consommateurs ne se détournent pas de la consommation. Ils veulent simplement que celle-ci prenne mieux en considération leurs préoccupations du moment et qu’elle leur renvoie une image d’eux-mêmes moins strictement égoïste. La consommation se réinvente en substituant la circulation et l’usage à l’accumulation et à la possession. Un nouveau vocabulaire en ressort qui conjugue les paradoxes : louer pour pouvoir acheter plus facilement, dépenser et, simultanément, gagner de l’argent, ou encore acheter, à la fois pour soi et pour les autres. Le contrat qui unit les marques et les enseignes à leurs clients est en pleine réinvention.


Privilégier l’usage à la possession

En début d’année, L’Œil repérait la proposition inédite que testait alors l’enseigne de chaussures Bocage (groupe Eram) dans six magasins pilotes et auprès de 50 de ses clientes détentrices de sa carte : un système de location de chaussures baptisé Atelier Bocage qui, moyennant 39 euros par mois, offre la possibilité de porter une paire de chaussure pendant deux mois avant de la ramener en boutique pour être remises en état et reconditionnées afin d’alimenter un circuit de seconde main. Et si une abonnée souhaite conserver sa paire au-delà du délai de deux mois, elle pourra l’acheter à un tarif de -60 %. A l’heure où la responsabilité environnementale des entreprises est de plus en plus attendue (la mode est la deuxième industrie la plus polluante au monde), Bocage vient ainsi contribuer à l’émergence d’une économie nouvelle, davantage marquée par la circulation que par l’accumulation. Ici, le digital et le « physique » ne sont pas séparés, mais complémentaires : les paires de chaussures sont repérées en ligne, puis choisies en magasin avant d’être remises en ligne pour être revendues en seconde main. La location participe ainsi de façon inédite à la relance de l’envie d’acheter autant qu’à la réinvention de la relation client-enseigne.


Vendre en offrant la perspective de gagner de l’argent

En mars dernier, le loueur automobile Ucar initiait Ucar2Share, un service permettant de financer l’acquisition de son véhicule en le mettant quelques jours par mois en location via une application dédiée. L’enseigne prenant en charge le nettoyage, l’assurance, l’assistance ou encore la remise en état. Ucar dessine ainsi les contours de la consommation de demain où il deviendra possible d’acheter quelque chose en ayant le sentiment de gagner de l’argent. Une manière de répondre aux attentes fortes d’étonnement des consommateurs tout en leur donnant le sentiment de participer à un mouvement de réinvention de leurs habitudes… sans pour autant renoncer à leurs envies. La consommation de demain sera celle qui aura su réinventer la consommation sans la réduire, ni l’associer à de la culpabilité : un acte individuel au service des autres.


Réduire son offre pour accroître sa désirabilité

L’Œil relevait il y a peu la propension des marques de luxe, inspirées par la marque américaine Supreme (issue du skate) à pratiquer la technique du « drop » consistant à ne proposer qu’une offre réduite pour mieux accroître sa désirabilité et sa valeur de revente. Burberry propose ainsi des pièces exclusives, disponibles vingt quatre heures seulement. Vuitton et Céline mettent une partie de leurs collections en vente avant leur lancement officiel. Quant à Moncler, elle a développé Moncler Genius sous la forme de nouveautés séquencées tous les mois et, à chaque fois, imaginées par un designer invité pour l’occasion. Avec leurs petites séries, ces marques bousculent les calendriers et tentent ainsi de recréer chez les consommateurs l’excitation générée par la nouveauté et la perspective de, peut être, ne pas y accéder. La technique du « drop » fait aussi se déplacer les millennials dans les magasins du monde réel, attirés par la perspective d’une revente fructueuse. Ce n’est pas la moindre de ses vertus sachant que certains d’entre eux pourraient, un jour, jusqu’à oublier leur existence…


 

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