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Le magasin dans le magasin, une réponse aux mutations du commerce?

13
mar
2019

(AFP) – A l’image d’Auchan, qui a annoncé qu’il allait réserver des « concessions » dans ses hypermarchés à des marques « spécialistes », la grande distribution parie sur l’incorporation de boutiques d’autres enseignes dans ses magasins pour doper les ventes de rayons moins rentables.

Formats commerciaux en poupe, les « corners » ou « shop-in-shop » (« magasin dans le magasin ») sont, au sens strict du terme, un espace dans un point de vente réservé à une autre enseigne.

Autonome et possédant ses propres caisses, cet espace est installé dans un grand magasin (Boulanger aux Galeries Lafayette-BHV par exemple) auquel il verse une commission proportionnelle à son chiffre d’affaires. Il peut aussi remplacer un rayon entier, géré par une autre enseigne que celle qui détient le magasin (Darty à Carrefour) via un système de franchise.

Pour l’instant, il n’est question que de « tests », les enseignes mettant du temps pour « bien choisir » leurs partenaires même si les discussions sont évidemment plus rapides quand elles appartiennent au même groupe.

Lors de la publication de ses résultats annuels vendredi, la holding Auchan, propriété de l’Association familiale Mulliez, a ainsi annoncé le lancement de « corners tests » lors du second semestre 2019 dans cinq hypermarchés, avec d’autres enseignes de Mulliez (Decathlon, Leroy Merlin, Kiabi, Norauto et Boulanger). Son espoir: stopper les lourdes pertes enregistrées par son pôle distribution.

– le « boulet » du non-alimentaire –
Pour Clément Genelot, expert distribution au sein du cabinet Bryan Garnier and Co, et auteur d’une étude sur le sujet, « le phénomène a effectivement pris de l’ampleur depuis le premier test lancé par Carrefour en 2010 »: il avait implanté des « corners » Virgin dans ses hypermarchés avant d’arrêter l’expérience en février 2012.

Selon une enquête du magazine spécialisé LSA de début février, ce type de collaborations entre enseignes s’est multiplié depuis 2017, en France mais également dans le monde: Habitat chez Sainsbury’s ou Next chez Tesco en Grande-Bretagne, Ace Hardware au sein de Giant Eagle aux Etats-Unis, MediaMarkt à Makro en Belgique…

La particularité du modèle français, explique M. Genelot, c’est que « l’hypermarché n’est pas dans une spirale dynamique et qu’il se traîne en plus un +boulet+ de plus en plus encombrant: les rayons non-alimentaires », qui ne sont plus rentables.

Produits électroniques et électroménagers, mode, ameublement, jouets, articles de sport: ces rayons sont les plus attaqués par Amazon ainsi que par le commerce spécialisé.

Dans le cas par exemple des « corners » Darty installés en « tests » depuis novembre dans deux hypermarchés Carrefour, « les premiers résultats sont prometteurs, notamment poussés par la période des soldes d’hiver », assure-t-on chez Darty.

– expérimentations –
Le format devrait se développer encore « car c’est un scénario gagnant-gagnant »: pour les enseignes invitées, car elles paient un loyer moindre et font donc des marges plus élevées, et pour les enseignes hôtes, qui redynamisent leurs rayons.

Ainsi, l’expérience lancée en septembre dernier par Boulanger dans cinq magasins du groupe Galeries Lafayette, en région parisienne et à Nice, s’avère « une super opération pour eux comme pour nous », selon Amandine de Souza, la directrice du BHV Marais.

Le « Comptoir Boulanger » a réalisé des ventes en moyenne en progression de 5% à 25% selon les mois par rapport à la situation précédente, précise-t-elle à l’AFP. La collaboration, qui a mis neuf mois à se mettre en place, s’est faite naturellement en raison notamment « d’une même culture d’entreprise ».

Autre expérimentation récente: la collaboration depuis décembre entre une enseigne physique et un commerçant en ligne, avec l’intégration dans deux magasins Mr Bricolage d’un « corner » Cdiscount (groupe Casino).

Enfin, même si ça semble contradictoire avec l’idée selon laquelle deux enseignes alimentaires ne peuvent cohabiter, intégrer un « espace-boutique » bio au sein d’une grande surface pourrait également s’avérer pertinent.

A la condition, précise M. Genelot, que les deux enseignes appartiennent au même groupe: un Naturalia au sein d’un Monoprix ou un Géant Casino par exemple, ou un So.Bio à l’intérieur d’un Carrefour.

Car, conclut l’expert, « en théorie, tout est possible ». Ce que confirme Mme de Souza à l’AFP: « si des opportunités sur certains marchés se présentent, on ne s’interdira rien ».

(Crédits photo : KENZO TRIBOUILLARD / AFP )


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