Ford mise son avenir sur un centre « high tech » en plein Détroit
(AFP) – En difficultés, Ford joue son avenir sur la transformation de la vieille gare de Détroit, vestige de la splendeur passée de cette terre de l’automobile américaine, en centre « high tech » futur temple des technologies électriques et autonomes, le salut des voitures traditionnelles.
« Nous faisons un gros pari sur notre avenir », affirme en ce mardi de juin Bill Ford, arrière-petit fils du fondateur du groupe automobile, devant cet immeuble au style Beaux-Arts, ouvert en 1913 en plein centre-ville et abandonné depuis une trentaine d’années.
Il symbolise les hauts et les bas de Detroit, qui tente un retour au premier plan après des années de déclin marquées par une banqueroute et l’exode massif des populations.
A l’image de cette gare, Ford traverse une période creuse même s’il écoule encore des millions de voitures par an et que le pickup F-150 est le véhicule le plus vendu aux Etats-Unis.
La marque à l’ovale bleu est à la traîne dans le développement de la voiture autonome et ne dispose d’aucun véhicule tout-électrique sur les routes. En Bourse, l’action a perdu plus de 5% depuis janvier, alors que le titre GM a gagné plus de 2% et Fiat Chrysler 14%.
« Nous devons nous réinventer comme l’a fait Detroit parce que tout est en train de changer », reconnaît Bill Ford.
Le fabricant de la Focus et de la Fiesta veut rattraper son retard en transformant la vieille gare en centre d’innovations où vont se côtoyer ses chercheurs et ingénieurs ainsi que des startups technologiques avec lesquelles il nouerait des partenariats stratégiques.
« Nous voulons les meilleures startups, les meilleurs talents, des penseurs, des ingénieurs, des gens qui voient les choses différemment pour se joindre à nous », souligne Bill Ford, précisant que ce centre « high tech » sera opérationnel d’ici quatre ans.
– Deux ans de retard sur GM –
Le raisonnement est le suivant: en déménageant ses divisions chargées de l’innovation de la banlieue (Dearborn) vers le coeur de Detroit, Ford pourrait attirer les « Millennials » (17-35 ans), férus de technologies.
La tâche s’annonce herculéenne car à l’instar des groupes automobiles classiques, Ford souffre d’un déficit d’image auprès de cette population dont les premiers choix sont souvent les géants technologiques ou encore Tesla, le constructeur de véhicules électriques haut-de-gamme.
« Je n’ai jamais entendu un étudiant dire: +Et bien, je veux travailler pour une entreprise automobile+. Ca ne les fait pas rêver », avance Robert Kolt, professeur de marketing et de communications à l’Université du Michigan. « Si vous voulez attirer les jeunes, il faut construire un quartier général dans le style de la Silicon Valley », recommande-t-il.
Le projet de la gare de Détroit est une question de survie pour Ford, qui malgré l’ouverture d’une antenne dans la Silicon Valley demeure derrière les deux autres membres du « Big Three » –General Motors et et Fiat Chrysler — dans le développement de la voiture autonome, objectif de tous les grands constructeurs automobiles et des géants de la technologie (Google, Uber, Intel, Apple…).
GM prévoit de commercialiser un véhicule pouvant se conduire seul dès 2019, tandis que Fiat Chrysler a étendu son partenariat avec Waymo, filiale d’Alphabet (Google) spécialisée dans la voiture autonome.
Ford ne prévoit de proposer ses premières voitures autonomes aux consommateurs qu’à l’horizon 2021, soit deux ans de retard sur GM.
Contrairement à ses rivaux, le deuxième groupe automobile américain n’a pas été assez réactif, selon les experts, à l’explosion des services de mobilité, dont l’autopartage, qui séduisent les habitants des grandes agglomérations dans le sillage du succès de l’économie du partage.
« Pour développer de nouveaux services de mobilité, Ford est conscient de ne pas disposer de la bonne structure, notamment pour ce qui est des personnels », estime Philippe Houchois.
Pour cet analyste du courtier Jefferies, les acteurs de l’industrie automobile doivent désormais trouver « un équilibre entre être un producteur de voitures et être un fournisseur de services » car « le secteur va connaître dans les 10 à 15 prochaines années bien plus de changements fondamentaux qu’il n’en a connus ces 50 ou 60 dernières années ».
(Crédits photo : JIM WATSON / AFP )