Bornes de recharge: toujours plus rapides, mais est-ce suffisant?
(AFP) – A coup d’investissements publics et privés, le réseau de bornes de recharge se déploie en France, mais outre le nombre de bornes, se pose la question de leur puissance et de leur répartition pour accompagner l’essor des véhicules électriques.
La crainte de pas trouver de borne pour recharger son véhicule en cas de besoin reste un des principaux freins à l’achat des voitures électriques, en vedette à partir de mardi au Mondial de l’automobile à Paris.
Pourtant, en France « il y a eu pas mal de progrès » sur le déploiement du réseau, constate Yoann Nussbaumer, président de Chargemap, une application qui localise les points de charge sur le territoire.
A la fin du premier trimestre 2018, la pays comptait plus de 187.000 points de charge, selon l’évaluation d’Enedis, gestionnaire du réseau de distribution de courant: 26.500 sur la voie publique, 68.900 chez les particuliers, et 91.800 dans les entreprises.
C’est encore loin de l’objectif de 7 millions en 2030 fixé dans la loi. En outre, depuis cet été, les quelque 6.000 bornes du réseau parisien Autolib sont inutilisables. Mais avec environ 150.000 véhicules en circulation, le nombre total dépasse largement la recommandation européenne d’une borne sur la voie publique pour dix véhicules.
Plus que le nombre, il faut mettre « la bonne borne, au bon endroit, pour le bon usage », défend Thomas Chrétien, directeur véhicules électriques et écosystèmes de Nissan, pionnier du secteur qui a déployé 350 bornes de recharge rapide en France et 4.600 en Europe.
– Angoisse –
En France, certaines zones ont ainsi été oubliées. « A l’échelle nationale, de temps en temps vous vous retrouvez dans un département où il n’y a quasiment pas de bornes », note Viannay Devienne, président du Gireve, groupement d’acteurs français de la mobilité électrique.
Dans les immeubles d’habitat collectif existent encore peu de bornes, malgré le droit à la prise inscrit dans la loi. La grande majorité des recharges s’effectuent au domicile de l’automobiliste.
Autre souci, s’assurer du bon dimensionnement des stations de recharge en fonction du trafic. Avec ses 200 bornes sur les grands axes en France, le programme européen Corri-Door, piloté en France par Sodetrel, filiale d’EDF, « maille plutôt bien le pays (…) mais il n’y a qu’une seule borne à la fois, donc si elle est occupée ou en panne, c’est fichu », note Yoann Nussbaumer.
« On va passer de l’angoisse de trouver une borne à l’angoisse de faire la queue », prédit Philippe Montantême, directeur Stratégie, recherche et marketing de Total.
Le groupe français, qui accueille déjà des bornes de Sodetrel dans certaines stations service, prévoit de déployer 1.000 bornes à recharge rapide en Europe d’ici cinq ans dans environ 300 de ses stations. Il a aussi racheté fin septembre G2mobility, un fabricant et opérateur de bornes pour les collectivités et les entreprises.
Et il n’est pas le seul distributeur traditionnel de carburant à se positionner. Shell a racheté NewMotion, acteur européen majeur, BP s’est emparé du principal opérateur britannique, tandis qu’Engie a acquis le néerlandais EV-Box.
– ultra-rapides –
Pour appuyer le lancement de véhicules toujours plus puissants, des constructeurs automobiles ont également décidé d’investir dans des bornes dites ultra-rapides (jusqu’à une puissance de 350 kilowatts, contre environ 50 kW pour les bornes classiques), qui permettent de recharger son véhicule en moins de 20 minutes. C’est le cas du consortium Ionity, qui réunit notamment Daimler ou BMW, ou de Tesla qui a déployé son propre réseau de « superchargeurs » de 120 kW.
Les bornes de Total feront elles 150 kW. « C’est l’optimum dans les années à venir entre la capacité des voitures à accepter la charge et un investissement raisonnable tant que le parc est limité », défend M. Montantême.
Des progrès restent aussi encore à effectuer en matière d’interopérabilité des réseaux. Aujourd’hui, plusieurs co-existent, avec chacun sa propre carte d’abonnement. S’ils doivent être ouverts aux clients d’autres opérateurs depuis début 2017, cette obligation ne vaut pas pour les bornes installées avant cette date.
Avec des recharges de plus en plus souvent payantes, il faudra enfin « uniformiser les tarifs » proposés par les différents opérateurs, juge Viannay Devienne. A la minute, par tranche de 15 minutes ou au kilowattheure consommé: « pour l’utilisateur final, ça devient un peu compliqué » et ça ne rend pas les comparaisons faciles, regrette-t-il.
(Crédits photo : serts / Istock.com )