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Partie 1 - Le consommateur européen en mode alternatif

Consommation alternative

11 minutes de lecture
Dans l’adversité, les consommateurs européens serrent les rangs et s’entraident : ils font preuve d’une solidarité sans faille pour assumer leur consommation, et prennent conscience que dans cette situation, l’union fera leur force. Ils sont ainsi plus de la moitié des Européens à considérer qu’ils feront davantage appel à l’entraide à l’avenir (partage, troc, achats groupés…). Cette solidarité populaire et citoyenne est proportionnelle à l’ampleur de la crise sociale que traverse le pays, comme on peut le constater dans le graphique ci-dessous.

Du neuf avec du vieux

L’ère du consumérisme individuel a vécu et laisse la place à une consommation davantage communautaire et altruiste. Trois phénomènes majeurs et durables nourrissent cette tendance :

  • La crise incite les ménages à faire preuve d’opportunisme économique, pour continuer de consommer mieux, mais avec moins.
  • L’avènement de l’Internet social donne les moyens aux consommateurs de recréer du lien entre eux.
  • La prise de conscience environnementale encourage les consommateurs au recyclage plutôt qu’à l’accumulation des produits aux dépens de la planète.

La récup’

Des meubles récupérés aux encombrants pour décorer son appartement à la mode « vintage » sans débourser un sou, aux vêtements pour bébés déposés par des familles généreuses aux points de collecte : la récup’ est une idée qui a déjà séduit près de deux tiers des Européens… Et qui continuera de faire des adeptes dans les années qui viennent, avec trois quarts d’intentionnistes !

L’occasion

Le marché de l’occasion découvre avec Internet une caisse de résonance sans précédent ! Le développement de sites spécialisés (ebay.fr, leboncoin.fr en France, gumtree.co.uk au Royaume-Uni…) a, au cours des 15 dernières années, rendu aux consommateurs la tâche bien plus facile, en mettant en relation la demande avec une offre mondialisée… Ou, à l’inverse, ultralocale.

Là encore, rien de bien neuf à cet engouement des Européens pour l’occasion. Les sites Internet prennent simplement le relais des vide-greniers de leur enfance. Pourtant, le pas technologique qu’offre Internet en termes de recherche en temps réel, d’ubiquité de l’internaute et de sociabilité entre consommateurs, permettra au marché de l’occasion de devenir un véritable réflexe de consommation.

Un réflexe dès aujourd’hui pour 59 % des Européens, mais un réflexe qui s’intensifiera encore dans les années à venir pour plus des deux tiers d’entre eux.

Le troc

L’opportunisme économique et écologique, mais aussi le plaisir de l’échange, convaincront plus de la moitié des Européens d’avoir recours au troc à l’avenir. L’éclosion de sites Internet de troc facilite un peu plus l’émergence de cette pratique qui incite les consommateurs à se détourner encore davantage des circuits traditionnels, en s’affranchissant de tous les intermédiaires… Y compris de l’intermédiaire monétaire !

S’il est avant tout guidé par la recherche de la bonne affaire, le consommateur ne boude pas son plaisir de recréer du lien social et de redonner du sens à sa consommation, le tout en prenant ses distances avec des distributeurs en lesquels sa confiance s’est érodée à mesure que la crise faisait son chemin.

L’union fait la force !

L’idée d’une consommation coopérative dans laquelle les consommateurs se regroupent pour mieux peser sur les distributeurs et fabricants ne date pas d’hier : les associations de consommateurs existent partout en Europe depuis des décennies. Pourtant, la consommation coopérative revêt aujourd’hui, et prendra demain, des formes toujours plus novatrices.

L’achat groupé

Démocratisé par des sites Internet comme groupon.fr, ce mode d’achat permet aux consommateurs de bénéficier de tarifs attractifs… À condition de constituer un groupe d’acheteurs assez nombreux. Les pays du Sud sont particulièrement fans de cette pratique, les pays du Nord (notamment Allemagne et Royaume-Uni) restent assez réticents.

Le partage

Il s’agit de se regrouper pour acheter des produits ou se rassembler pour partager le coût d’un produit. Toujours mues par ces mêmes problématiques de responsabilité économique, écologique et sociétale, des communautés de consommateurs se mettent en place aux côtés des coopératives d’acheteurs. L’intérêt des Européens pour ce mode d’achat porte encore majoritairement sur des produits d’usage occasionnel : bricolage, jardinage… Le partage automobile progresse et va jusqu’à séduire 19 % des Espagnols.

Des solutions de partage éclosent ainsi un peu partout en Europe, proposant de mettre en relation les consommateurs entre eux : buzzcar.com en France revendique quelque 13 000 membres prêts à partager leur véhicule ; 5 millions de voyageurs « partagent » également leur propre canapé via le réseau mondial couchsurfing.org. Il n’y a guère de doute à ce que la fièvre du partage gagne bientôt d’autres univers de consommation, tels que les vêtements ou l’électronique (déjà 19 % de Polonais prêts à partager leur écran de télévision !).

Preuve de l’intérêt à venir des Européens dans le partage comme alternative à l’achat, ils sont près d’1 sur 2 à se déclarer intéressés par l’achat de produits en commun à l’avenir.

Petits services/Grandes économies

L’entraide par la consommation collaborative prend aussi la forme de bourses d’échange de petits services que l’on se rend entre amis ou voisins. Bien que de nombreux freins persistent pour les 40 % qui ne le feront jamais (manque de confiance ou de temps à consacrer à de petits services, mais aussi peut-être une certaine pudeur), près d’un tiers des Européens pourraient commencer à s’y mettre.

Ils sont ainsi plus de 40 % à penser qu’ils auront de plus en plus recours à l’échange de services pour de la réparation dans les années à venir. D’autres domaines suscitent un intérêt certain : baby-sitting, bricolage, jardinage.

Les arguments sont nombreux pour les adeptes de l’échange de services : valorisation de ses compétences ou de son temps libre, économies facilement réalisées, et plaisir de rendre service et de se sociabiliser.

Faire soi-même/Faire ensemble

« Do It Yourself »

Le fait maison sonne comme un retour aux fondamentaux de la consommation. Produire ce que l’on consomme et consommer ce que l’on produit, quoi de plus naturel pour disposer de produits sur mesure à moindre coût et dans le respect de l’environnement ?

Le consommateur est las des produits standardisés à l’obsolescence programmée, et de plus en plus méfiant vis-à-vis de cette nourriture préparée industriellement et dont les valeurs nutritionnelles et environnementales sont de plus en plus remises en cause. Si les marques ne peuvent lui fournir des produits qui répondent à ses exigences, l’alternative est alors de se servir soi-même.

Pour autant, si la qualité et le moindre coût des produits sont essentiels dans cette démarche, il faut également y voir le plaisir de créer soi-même, pour soi. Cette volonté est par exemple à l’origine du mouvement des jardins communautaires que l’on voit pousser dans les grandes métropoles européennes. Si cette communauté sans frontière et aux revendications « peas & love » prône l’autosuffisance pour tous au travers du don des produits ainsi cultivés, les motivations sociales et le plaisir originel de créer quelque chose de ses propres mains sont tout aussi importants : le plaisir de faire soi-même, en communauté, pour les autres. Et si de surcroît c’est bon pour la planète, tout le monde est gagnant !

Le fait que le mouvement se soit répandu au travers d’un buzz sur Internet sonne comme un symbole : les réseaux sociaux sont tout autant la caisse de résonance de ces communautés du faire soi-même que les outils de partage de l’information. Car on ne naît pas cultivateur de tomates ni mécanicien. Grâce aux forums et communautés de consommateurs durables, l’internaute qui désire « faire lui-même » peut se former et s’informer. Il ne s’agit dès lors plus seulement de faire soi-même, mais de faire ensemble.

Se faire entendre auprès des marques

Longtemps passif, le consommateur veut aujourd’hui être écouté (70 % des Européens), et il le dit en testant de nouveaux produits, en émettant son avis.
Passée l’uniformisation de produits standardisés, l’aspiration tend aujourd’hui vers des produits personnalisés, à défaut d’être individualisés : on remet le consommateur au cœur des marques, au centre de sa consommation, et la relation consommateur-marque est désormais à double sens. Le consommateur durable de demain n’est plus à concevoir comme un simple client, mais comme un véritable partenaire des marques.

Là encore, les forums et réseaux sociaux faciliteront grandement cette nouvelle relation, plus associative et symétrique, en offrant un canal privilégié de communication et de tests de produits.

Consommer sans posséder

Le consommateur durable est l’antithèse du collectionneur. Entasser des produits que l’on n’utilisera qu’occasionnellement est non seulement un luxe que l’on ne peut plus se permettre, mais aussi un comportement peu compatible avec les valeurs de responsabilité environnementale montantes.

Et on l’a vu : à l’heure du partage, consommer ne rime plus avec posséder. Petit à petit, l’usage se substitue à la possession et les formes de location ou d’abonnement deviennent des alternatives crédibles à la surconsommation.

Tous locataires… Ou abonnés !

Louer plutôt qu’acheter est un mode de consommation encore peu répandu, et qui tend à stagner pour de nombreux domaines (notamment vêtements). Cependant, dans l’automobile, le concept de la location de courte durée et par abonnement a déjà fait son chemin : Autolib’ à Paris recense 37 000 conducteurs, dont 15 000 abonnés en un an.

De manière générale, les Européens sont tout de même davantage intéressés par une location occasionnelle que par une location de longue durée, bien que 13 % préféreraient à l’avenir payer leur véhicule en location longue durée : les arguments sont nombreux, entre praticité d’une offre clés en main – entretien et réparation compris – et simplicité de ne pas avoir à recourir à un crédit classique ni à se poser la question de la revente du véhicule.

Forfaits santé, réparations, services à la personne : ces formes d’abonnements alternatifs séduisent une partie non négligeable des Européens, à des niveaux variables en fonction des secteurs et des pays.

Les contraintes deviennent opportunités

Certes, les canaux de l’occasion et de la location sont des moyens de se procurer ou d’utiliser des biens à moindre coût, dans le respect écologique le plus total. Mais ils sont surtout un moyen pratique d’arrondir ses fins de mois pour près de 60 % des Européens aujourd’hui, pour 75 % d’entre eux demain. De même, revendre ce que l’on a soi-même produit ou se faire payer pour des prestations occasionnelles de réparation ou de bricolage sont des moyens pour les consommateurs de garnir leur porte-monnaie.

Ce n’est pas un hasard si des pratiques alternatives de consommation prennent corps aujourd’hui. Le consommateur est confronté depuis plusieurs années à différents courants : économique (contraintes budgétaires et arbitrages de consommation exacerbés par la crise), technologique (révolution numérique qui bouleverse les modes de consommation et rapproche les consommateurs) et environnemental (prise de conscience que, par sa propre consommation, il peut durablement affecter l’équilibre environnemental et social).

C’est bien la conjonction de ces courants latents, mais durables, qui font émerger un consommateur en mode alternatif.

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Sous-Partie 4
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