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Partie 4 - Entre innovations technologiques et distanciation physique : un équilibre à trouver

Relations humaines, le talon d’Achille du sans contact

5 minutes de lecture
Semblant avoir pleinement conscience de l’oxymoron que constitue l’expression « la vie sans contact », les Européens soulignent ce qui en est la principale faiblesse apparente, une forme de régression sociale et sociable, un manque d’humain. Si son futur est déjà inscrit dans le marbre, à l’instar de celui des technologies toujours plus présentes dans notre quotidien, ils comptent principalement sur les citoyens et les entreprises pour empêcher toute dérive.

Une qualité de relations moindre

Les témoignages des Européens montrent qu’ils louent la praticité de la vie sans contact, particulièrement au quotidien. Ils font également émerger de façon latente de sérieuses réserves quant à la qualité des relations humaines qu’elle engendre. Et lorsqu’on interroge plus précisément ces mêmes Européens pour savoir si la vie sans contact physique avec les gens affaiblit, voire dégrade les relations humaines, la réponse est claire et nette. Trois quarts d’entre eux l’affirment (Fig. 30). Une fois encore, la plupart des pays du groupe Nord, à la maturité virtuelle plus affirmée, se montrent moins tranchants à ce sujet, particulièrement les Britanniques et les Allemands (66 % et 67 %). Et comme souvent, il faut gagner les pays d’Europe centrale pour trouver des opinions opposées. Bulgares, Roumains, Tchèques et Hongrois sont les plus nombreux à regretter cette mise à distance relationnelle (84 %, 83 %, 81 % et 81 %). Entre les deux, les pays latins affichent des opinions plus proches de la moyenne européenne.

 

Fig. 30 :

 

 

« Il n’y a plus de limite à l’intime. »

 

Seuls ensemble, l’horizon possible de relations sans contact

Psychologue américaine, Sherry Turkle est également professeur d’études sociales en sciences et technologie au M.I.T. En 2011, elle publia Alone Together, un essai qui eut un profond retentissement et contribua à poser les jalons d’une réflexion sur la vie du sans contact. Selon Sherry Turkle, celle-ci marque le passage de la communication à la connexion. Les nouvelles technologies séduisent les êtres humains en capitalisant sur leur vulnérabilité. Elles évitent la mise en relation directe, nous donnent le contrôle de nos vies en nous permettant d’effacer et de retoucher ce qui ne nous plaît pas, d’ajouter ce qui nous valorise. Le sentiment que personne ne nous écoute est compensé par le fait que les machines le font. Je suis seul, pas le seul. L’existence pourrait alors tenir à une sentence philosophique revisitée : Je partage, donc je suis.

Moins de contacts directs

Il en résulte même une sorte de spirale négative. Non seulement, la qualité des relations est altérée, mais la quantité l’est tout autant. À nouveau, trois quarts des Européens jugent que la vie sans contact induit une diminution de la fréquence des relations (Fig. 31). Les différences entre les trois groupes géographiques sont à nouveau très marquées avec au nord l’Allemagne et le Royaume-Uni pour en faire moins état (64 % et 67 %) et au centre la Pologne et la Roumanie pour ne pas s’y résoudre (83 %).

 

Fig. 31 :

 

Le choix du virtuel

Cette prééminence du virtuel par rapport au réel ne se fait pas cependant à l’insu des Européens. Elle correspond même à un choix délibéré pour un peu plus de la moitié d’entre eux. 57 % déclarent en effet remplacer une rencontre physique par un échange à distance, que ce soit par exemple pour discuter ou jouer en ligne (Fig. 32). À ce sujet, tous les pays, excepté l’Autriche et la Hongrie, affichent des scores supérieurs à 50 %. Mais cette fois, pas de répartition en groupes géographiques. Ainsi, Suède, Pologne et Espagne sont les plus nombreux à favoriser le virtuel (64 %), soit un pays par groupe.

 

Fig. 32 :

 

 

« On perd le lien social malgré les réseaux sociaux. On perd l’humain. »

 

L’extimité, la valorisation de soi par le sans contact

Dans la continuité de Lacan, le psychiatre Serge Tisserand a développé le concept d’extimité, favorisé par les réseaux sociaux. L’extimité se définit comme la volonté de remplir le vide de sa propre existence, de la faire apprécier par les autres, de lutter contre l’ennui, de se réévaluer. Ceci passe par le partage public de certaines facettes de sa vie intime, le désir de rendre visible des aspects de soi, tant physiques que psychiques. Autant d’éléments échangés et validés par des likes qui permettent de se valoriser.

Une mise à distance source d’insatisfaction

Les Européens expriment le sentiment diffus que cette vie relationnelle sans contact n’est pas la panacée. Seulement 44 % déclarent que les relations humaines de ce type fonctionnent bien. Français et Britanniques sont les plus nombreux à le penser (51 %) (Fig. 33). De façon générale, c’est au nord qu’elles sont le moins mises en cause, comme en Suède (48 %), alors qu’au sud les points de vue sur des relations sans contact physique sont jugés plus négativement, particulièrement en Espagne et au Portugal (35 % et 37 %). Autre pays aux racines culturelles latines, la Roumanie se montre encore plus critique (33 %).

 

Fig. 33 :

Sous-Partie 9
Une adaptabilité corrélée à l’âge et au niveau de revenus
Ce sens personnel de l’adaptation à la nouvelle vie sans contact couvre la plupart des pratiques qui relèvent du quotidien. Toutes recueillent une majorité d’avis favorables, exceptés le fai
Sous-Partie 11
Un développement inéluctable qui laisse à désirer
En prenant en compte à la fois les facilités pratiques de la vie sans contact et les frustrations sociales qu’elle génère, difficile pour les Européens de se prononcer sur le souhait qu’ell