La frénésie retombe autour des véhicules autonomes
(AFP) – Les constructeurs automobiles sont devenus prudents dans leur communication sur les voitures autonomes: les produits spectaculaires initialement annoncés pour 2020 ont été repoussés à plus tard face à la complexité et au coût de ces technologies.
Au salon automobile de Genève, qui ouvre ses portes mardi aux professionnels, la voiture électrique est partout, le véhicule autonome quasiment nulle part. Depuis les accidents de véhicules de Tesla et Uber survenus l’an dernier aux Etats-Unis, l’enthousiasme semble un peu retombé, même si les entreprises continuent d’investir des sommes colossales dans la recherche.
La semaine dernière, les deux géants allemands du haut de gamme, BMW et Daimler (Mercedes-Benz), ont annoncé qu’ils allaient regrouper leurs efforts dans ce domaine. Ils parlent désormais de « systèmes d’assistance à la conduite et de conduite hautement automatisée sur autoroute » prêts à être commercialisés « au milieu des années 2020″…
« La filière automobile est consciente qu’on ne va pas donner beaucoup de droit à l’erreur à la conduite autonome. Il va y avoir une vraie prudence avant une mise sur la route. Cela va venir, mais pas tout de suite, on est en train d’entrer dans un âge de raison », estime Guillaume Crunelle, responsable automobile au sein de Deloitte.
Selon cet expert, il est clair que les accidents mortels très médiatisés survenus aux Etats-Unis ont « réduit l’appétit pour les véhicules autonomes et ont créé un doute » dans l’esprit du public.
Le constructeur californien Tesla, lui, dit qu’il sera prêt « vers la fin de l’année au niveau de la technologie pour qu’un véhicule roule de façon autonome sur autoroute, mais il faudra que la législation soit prête »…
Il y a « différents freins à surmonter », explique Thomas Morel, chargé de l’automobile chez McKinsey.
Outre « la maturité de la technologie et sa capacité à être développée en série, ainsi que la régulation », il cite notamment « l’acceptation de la technologie par les consommateurs, mais aussi le prix ». Il faut « plus de 50.000 euros de technologie rien que pour autonomiser le véhicule », constate-t-il.
– « Science-fiction » –
« Lâcher le volant sur l’autoroute, on n’en est pas loin » techniquement, assure cet expert. Mais à l’horizon 2030, il table, dans le scénario le plus optimiste, sur 15% de véhicules autonomes, c’est-à-dire permettant de lâcher complètement le volant dans certaines circonstances, et moins de 3% dans le plus pessimiste.
La société américaine Waymo, filiale d’Alphabet, maison mère de Google, « est le leader des voitures autonomes, chaque mois elles font plus d’un million de kilomètres », rappelle M. Morel. Selon lui, les Américains ont le plus investi dans ces technologies, suivis par les Chinois, mais il prévoit de nombreuses alliances car « les sommes sont tellement conséquentes ».
Fin février, le patron de PSA, Carlos Tavares, a reconnu que le coût d’une voiture particulière autonome était trop élevé par rapport à sa valeur pour le client. « Cela n’a pas de sens pour l’avenir de développer des voitures particulières qui seront aussi coûteuses », a-t-il dit.
Mais il a aussitôt précisé qu’il existait un marché pour les navettes autonomes et les robots taxis, « des véhicules dont le coût des technologies seront partagés » et dans lesquels PSA investira.
Pour les voitures particulières, les constructeurs risquent d’en rester pendant longtemps à des aides à la conduite de plus en plus sophistiquées, le marché du 100% autonome semblant réservé à des véhicules exploités par des entreprises de transport.
Jacques Aschenbroich, patron de l’équipementier Valeo, pense ainsi qu’il « y aura dans les années qui viennent de plus en plus de robots taxis qui seront dans des parties de villes bien identifiées, au milieu du trafic ». Il s’agira d’un « nombre relativement limité de véhicules », estime-t-il, évoquant pour son groupe « des prises de commandes de quelques centaines de milliers de véhicules sur les cinq à sept ans qui viennent ».
« C’est à ce stade encore limité », reconnaît-il, mais « les progrès qui sont faits sont absolument gigantesques ».
Tommaso Pardi, directeur du centre de recherche Gerpisa, est beaucoup plus sceptique. « Les robots taxis existeront peut être dans des contextes très précis, limités à des quartiers d’une ville et opérés à une vitesse raisonnable… Mais l’idée de remplacer les systèmes existants par des flottes de robots taxis appartient pour l’instant à la science-fiction ».
(Crédits photo : metamorworks / IStock.com )