Volkswagen met résolument le cap sur la voiture électrique
(AFP) – Le constructeur automobile Volkswagen, sous la pression de nouvelles réglementations européennes, a revu fortement à la hausse mardi son objectif de ventes de voitures électriques, un tournant majeur qui va nécessiter de lourds investissements, au détriment de sa rentabilité à court terme.
Confronté aux limites européennes strictes d’émissions de CO2 à partir de 2020, le premier constructeur automobile mondial a annoncé lors de la publication de ses résultats annuels qu’il comptait introduire sur le marché 70 modèles électriques d’ici 2028, vingt de plus que prévu initialement.
Volkswagen table par conséquent sur la vente de 22 millions de voitures électriques en 10 ans, 7 millions de plus que projeté jusque-là.
Son bénéfice net a augmenté de 6% en 2018, à 12,15 milliards d’euros, sur fond de progression du chiffre d’affaires. Mais le constructeur a vu ses marges plombées par le passage aux nouvelles normes anti-pollution WLTP, qui ont semé la pagaille dans les chaines de production, et ses investissements massifs dans l’électrification.
– Rentabilité en baisse –
Sur l’exercice passé, les problèmes liés aux normes WLTP et les lourds investissements ont pesé sur les marges: la marque phare VW est passée avec 3,8% sous l’objectif des 4% minimum, et le « premium » baisse aussi : 7,9% chez Audi contre 8,5% en 2017; et 17,4% contre 18,5% chez Porsche.
« La pression sur les marges a augmenté, également en raison de la mobilité électrique », a déclaré lundi le directeur financier, Frank Witter, au quotidien Handelsblatt.
Pour assumer la charge de 44 milliards d’euros d’investissements d’ici 2023 dans l’électrique et la voiture autonome, « nous devons faire des progrès dans l’efficacité et la performance dans tous les domaines », a indiqué M. Diess.
En décembre, Volkswagen a annoncé 3 milliards d’euros d’économies pour sa marque VW, en plus d’un programme déjà en cours, qui prévoit 21.000 suppressions de postes dans le monde.
Herbert Diess est soutenu dans ses efforts de restructuration par l’actionnaire principal, la famille Porsche-Piëch. Mais le puissant président du comité d’entreprise Bernd Osterloh est monté aux créneau la semaine dernière, évoquant un projet de 5.000 à 7.000 suppressions d’emplois supplémentaires.
Dénonçant dans la presse locale de « graves dérapages » dans la gestion du WLTP, il a donné un avant-goût du conflit social qui attend M. Diess dans sa volonté de hisser Volkswagen au niveau de ses concurrents Tesla, des constructeurs chinois ou de Google ces prochaines années.
– ‘Dieselgate’ –
Résolument tourné vers le futur, Volkswagen se retrouve pourtant tiré en arrière : comme en 2017, le résultat est affecté par 3,2 milliards d’euros de charges faisant suite au « dieselgate ». Au total, l’affaire aura coûté près de 29 milliards d’euros au constructeur, qui a admis en 2015 avoir truqué 11 millions de véhicules.
La majorité de cette somme a été versée aux Etats-Unis. En Allemagne, l’entreprise a dû payer seulement deux amendes pour un total de 1,8 milliard d’euros — inscrits au bilan cette année — et estime que ses clients n’ont pas subi de dommages.
Volkswagen considère que le « dieselgate » pèsera moins sur le bilan en 2019. Mais les ennuis juridiques sont loin d’être terminés. En Allemagne, un procès géant d’actionnaires est en cours et un autre pourrait s’ajouter dès cette année, après une requête groupée rassemblant à ce stade déjà plus de 410.000 clients.
– Incertitudes –
Pour 2019, le groupe anticipe une progression de 5% du chiffre d’affaires mais s’attend à « des conditions de marché toujours difficiles ». Le marché chinois en particulier, importante source de croissance, ralentit: comme aux Etats-Unis, les ventes de voitures neuves devraient y stagner en 2019. Et si la branche s’attend l’année prochaine à un marché mondial équivalent à celui de 2018, les analystes le voient en petite baisse.
S’y ajoute une série d’incertitudes : un Brexit désordonné et de nouvelles taxes américaines sur les importations de voitures européennes affecterait lourdement Volkswagen.
Un autre chantier reste d’ailleurs en suspens, l’introduction en Bourse de sa branche poids-lourds, Traton, évaluée à quelque 25 milliards d’euros. Selon le quotidien Handelsblatt, Volkswagen pourrait placer jusqu’à 25% de sa filiale — de quoi en faire la plus grosse IPO allemande depuis 1996.
« Il faut que les conditions de marché soient bonnes », a indiqué M. Witter. « Evaluer ceci sera le travail des prochains jours. »
(Crédits photo : Tobias SCHWARZ / AFP )