« Pour un père, cela reste très difficile d’assumer sa paternité au travail », selon Patrice Bonfy, co-fondateur du site Le Paternel
(ETX Studio) – C’est une mesure que certains jeunes et futurs parents attendaient de pied ferme : ce mercredi, Emmanuel Macron a annoncé le rallongement du congé paternité de 14 à 28 jours, avec sept jours obligatoires. « C’est un peu notre fête nationale. Enfin il y a quelque chose qui se passe réellement », s’enthousiasme Patrice Bonfy, co-fondateur du site Le Paternel. « Mais au-delà de l’allongement juridique, il va falloir instaurer une pédagogie auprès des entreprises et des jeunes parents », prévient l’entrepreneur.
À partir de juillet 2021, le congé paternité sera donc allongé de 14 à 28 jours, avec sept jours obligatoires. Une belle avancée pour la France, mais qui risque de se heurter à des biais de notre société encore puissants.
En effet, la prise d’un congé paternité n’est pour l’heure pas obligatoire. Résultat : certains pères font l’impasse. Un phénomène lié à une stigmatisation de la paternité dans le monde professionnel, alimentée par la place encore trop insuffisante que les entreprises accordent aux pères, explique Patrice Bonfy, co-fondateur du site Le Paternel et de l’entreprise Remixt.
ETX Studio : Pourquoi est-il encore si difficile, chez nous, de prendre un congé paternité ?
Patrice Bonfy : Nous avons récemment réalisé un sondage pour Le Paternel auprès de 441 pères français. Leurs réponses montrent que la première raison pour ceux qui n’ont pas pris leur congé paternité, ou du moins en totalité, est « la pression de l’employeur ». Même si la hiérarchie n’a pas le droit de refuser à un salarié ce type de congé, certains pères vivent donc encore cette pression.
Mais il y a aussi un phénomène d’autocensure professionnelle, c’est-à-dire que personne ne leur a dit explicitement qu’ils ne pouvaient pas partir en congé paternité mais qu’eux-mêmes sont partis du principe qu’ils devaient « faire leurs preuves » et donc rester au travail.
Je ne me rendais pas compte qu’il était difficile à ce point d’assumer sa paternité au travail. J’ai récemment lu le témoignage d’un père qui m’expliquait travailler dans un univers très masculin : « Si je prends mon congé paternité, je vais me faire virer », m’a t-il écrit.
Je ne sais pas si on lui a fait comprendre explicitement que ce serait le cas ou si sa peur relève davantage d’une culture d’entreprise encore très présente dans l’inconscient collectif. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il faut instaurer une pédagogie auprès des entreprises et des jeunes parents pour leur expliquer tous les bienfaits liés au fait de prendre leur congé paternité dans son intégralité. D’ailleurs, quand les entreprises communiquent ce type d’avancées à leurs salariés, il y a généralement un très bon accueil, y compris de la part des pères.
Quels sont ces bienfaits précisément ?
Patrice Bonfy : Aujourd’hui, les jeunes pères risquent de se retrouver entre dans l’injonction contradictoire d’être présent à la fois chez eux et au travail. Or, il sera certainement plus difficile pour un salarié de se concentrer sur son travail s’il sait que sa compagne a besoin de lui à la maison. On observe par ailleurs que les salariés qui se sentent bien et organisés dans leur parentalité sont à long terme des employés plus fidèles et plus efficaces, ce qui représente un gain financier non négligeable pour les entreprises.
Il y a aussi de nombreux biais qui entravent l’égalité femmes-hommes dans l’entreprise, intervenant parfois dès le recrutement : on va parfois hésiter à embaucher une femme de peur qu’elle parte en congé maternité. Et donc privilégier un homme à la place. Avec un congé paternité dont la durée se rapproche davantage de celui de la mère, ces biais seront moins présents.
Pensez-vous que le confinement a fait évoluer les attentes des jeunes parents, et en particulier des pères ?
Patrice Bonfy : Je dirais que oui, car dans ce contexte de sortie de confinement, le rapport « intime » entre le salarié et l’employeur s’est extrêmement renforcé, à l’instar du rapport à la gestion des enfants pour les salariés. Nous l’avons constaté chez nos clients. Pendant le confinement, nous avons ouvert les portes de nos maisons à nos entreprises. Il est donc plus que jamais essentiel pour ces dernières de comprendre les besoins, les contraintes et les attentes de ses collaborateurs et d’y répondre.
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