Réformer les dates de péremption, une solution pour lutter contre le gaspillage?
(AFP) – Les dates de péremption, mises en place pour prévenir tout risque sanitaire, suscitent la confusion chez certains consommateurs au point de contribuer à 20% du gaspillage dans les foyers, et certains appellent à les réformer.
« A consommer de préférence avant » (date de durabilité minimale, DDM), « à consommer jusqu’au » (date limite de consommation, DLC): ces formulations ne sont-elles pas dépassées, s’interroge Rose Boursier-Wyler, de l’application mobile « Too Good To Go »?
Cette appli anti-gaspillage, qui vise à « sauver » à prix réduit des repas qui seraient sinon jetés à la poubelle, a décidé de s’attaquer au problème de la « crédibilité » et de la « légitimité » de ces mentions, règlementées au niveau européen.
Une pétition, intitulée #ChangeTaDate, vient d’être lancée à destination des industriels et des distributeurs pour « qu’ils clarifient leurs dates de péremption », explique sa fondatrice, Lucie Basch.
Alors que la France célèbrera mardi la 5e journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire, « Too Good to Go » organisait jeudi à Paris une table-ronde avec différents acteurs de la chaîne alimentaire.
Avec pour objectif d’écrire une « feuille de route » pour le gouvernement qui doit, dans le cadre de la loi Alimentation votée dernièrement, publier un rapport dans un an sur l’harmonisation de ces dates.
Dans les années 1950-1960, les intoxications alimentaires font encore des milliers de morts en France: dès que le pays « retrouve son autosuffisance alimentaire », explique Jean-Charles Catteau, consultant indépendant, l’Etat décide de réglementer.
Malgré la levée de boucliers des industriels de l’agro-alimentaire, les dates de péremption sont appliquées en 1984… et parfois apposées sur des produits non-périssables!
– consommateur « conditionné » –
Mais « le consommateur est tellement conditionné par ces dates » qu’il finit par être « piégé » et ne fait plus appel au bon sens pour savoir si un produit est périmé ou pas, estime M. Catteau, pour qui il faut « les repenser ».
Un avis rendu par la Commission européenne en 2011 avait évalué à 20% le gaspillage alimentaire des foyers dû à une mauvaise compréhension de ces dates.
Concrètement, comment sont-elles définies?
« Dans nos laboratoires, nous faisons des tests de vieillissement accéléré pour voir comment le produit se comporte », explique Claire Meunier, de chez Coca-Cola, en tenant compte de trois critères: la dimension sanitaire (absence de bactéries), la qualité (le goût) et les propriétés intrinsèques (vitamines, minéraux).
Mais « pourquoi certains produits sont-ils en DDM et d’autres en DLC? Pourquoi, quand on mange un yaourt après la date, n’est-on pas malade? », interroge Anne Legentil, pour l’association Familles rurales.
Loin d’être supprimées, ces dates doivent apporter « une véritable information » aux consommateurs, dit-elle.
D’où l’idée de les simplifier et d’utiliser la traduction de l’anglais « best before » (« meilleur avant »), comme le préconise également Carrefour qui, dès 2014, a modifié ou supprimé les dates de consommation de 500 de ses produits à marque propre (MDD).
– « recréer de la valeur » –
Par exemple, « on a allongé la DLC de cinq à dix jours sur certains produits frais ou d’épicerie, tel le yaourt qui est passé de 23 à 30 jours, et enlevé la DDM sur d’autres », comme le vinaigre, le sel ou le sucre, explique Bertrand Swiderski, directeur RSE du groupe.
Et qu’on ne dise pas à ce cadre dans la distribution que l’allongement des dates de péremption réduit « la rotation des produits »: « c’est un faux problème », réplique-t-il.
« Allonger les dates de péremption, c’est lutter contre le gaspillage, c’est recréer de la valeur tout au long de la chaîne alimentaire », estime-t-il.
Autre piste de réflexion: que faire d’un aliment une fois ouvert?
« Qui se souvient de quand il a ouvert son pot de sauce tomate avant de le mettre au frigo? », lance Mme Legentil, qui milite pour que les industriels « laissent un espace sur l’étiquette pour que le consommateur y écrive » la date d’ouverture du produit.
Mais « ceci a un coût d’amortissement qui se répercutera forcément à un moment ou un autre dans la chaîne alimentaire », souligne M. Catteau. De toutes les façons, conclut Mme Legentil, « ce combat ne se fera qu’au niveau des citoyens ».
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