La France sur la voie de la neutralité carbone avec le plan de relance?
(AFP) – Le plan de relance permettra-t-il à la France de tenir enfin ses engagements en terme de lutte contre le réchauffement climatique? Cette promesse du gouvernement doit être précisée pour voir si elle est tenable, commentent des experts.
Ce plan de relance de 100 milliards d’euros sur deux ans, dont 30 milliards consacrés au verdissement de l’économie, permettra d’économiser « 57 millions de tonnes de CO2 », a avancé le gouvernement en le dévoilant, la semaine dernière.
« C’est une trajectoire qui nous permettra d’honorer les engagements que nous avons pris dans le cadre de l’Accord de Paris », a assuré la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili.
La France s’est engagée à réduire de 40% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, par rapport au niveau de 1990, et à atteindre la neutralité carbone en 2050.
Elle s’est doté d’une trajectoire, la stratégie nationale bas carbone (SNBC), avec des budgets carbone qui sont des plafonds d’émissions à ne pas dépasser.
Pour le moment, le compte n’y est pas. Le constat du Haut conseil pour le climat (HCC), chargé d’évaluer la politique du gouvernement en juillet, était sans appel: « la réduction des émissions de gaz à effet de serre continue à être trop lente et insuffisante pour permettre d’atteindre les budgets carbone actuels et futurs ».
– « Espoir » à confirmer –
Le premier budget carbone, sur la période 2015-2018, a été dépassé. Pour la période 2019-2023, la France s’est fixée un budget carbone annuel de 422 millions de tonnes de CO2 équivalent.
Pour le respecter, il faudrait que les émissions baissent de 2,3% par an, quand elles n’ont fléchi que de 1% en 2019, selon le Centre technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa).
Le plan de relance donnera-t-il l’impulsion nécessaire? Pour Corinne Le Quéré, présidente du HCC, « il donne de l’espoir ».
Mais les informations manquent pour savoir comment le chiffre de 57 millions a été calculé. Cette évaluation « doit encore être précisée par secteur et dans le temps », note Nicolas Berghmans, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
« S’agit-il de réductions attendues au cours des prochaines années ou d’une évaluation sur la durée de vie des investissements qui, comme dans le secteur du bâtiment, peuvent s’étaler sur plusieurs dizaines d’années? », s’interroge-t-il.
Cette évaluation a été faite sur la durée de vie des investissements, qui sont variables, « de 10 à 15 ans pour les véhicules, de 40 ans pour un bâtiment », répond le ministère de la Transition écologique.
– « Coup de com' » –
« On met le paquet sur le logement, la rénovation des bâtiment, le transport (…), l’industrie (…) et puis l’agriculture », les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre, en plus de « développer les filières d’avenir » comme l’hydrogène, ou l’économie circulaire, a insisté Barbara Pompili mercredi sur France Inter.
Meike Finck, du Réseau action climat (RAC), qui fédère une trentaine d’associations, s’interroge sur le choix fait par le gouvernement d’exprimer un objectif en CO2 et non pas en équivalent CO2, mesure métrique qui permet d’englober différents gaz à effet de serre et d' »avoir une approche globale ».
« C’est un coup de com' », tranche-t-elle en parlant de l’estimation gouvernementale d’économies de CO2.
Pour Benoît Leguet, directeur du think tank I4CE, il importe moins de se concentrer sur ce chiffre que sur le montant des investissements annoncés. Pour le volet climat, « les montants sont les bons » pour tenir la trajectoire de la SNBC mais il faudra surveiller de près leur mise en oeuvre, estime-t-il.
Il faut aussi s’assurer que d’autres aides publiques n’aillent pas à contresens, avertissent les experts. Le HCC a critiqué les aides aux secteurs automobile et aérien jugés sans contreparties suffisantes pour que leur évolution soit compatible avec la SNBC.
« Il faudrait pouvoir évaluer l’ensemble des mesures du plan sous l’angle climatique, y compris les mesures non fléchées vers le climat, pour avoir une véritable évaluation climat », souligne Nicolas Berghmans de l’IDDRI, pour qui le HCC pourrait jouer « ce rôle de vigie nécessaire ».
(Crédits photo : Stephen Barnes / IStock.com )