Les crèches privées en plein (baby) boom
(AFP) – Les crèches privées connaissent une croissance insolente et, pour se démarquer, les leaders du secteur se sont lancés dans une surenchère d’innovations, allant jusqu’à expérimenter une crèche 4.0 truffée d’objets connectés.
15% des places en crèches sont maintenant gérées par des acteurs privés, alors qu’avant 2004, la quasi-totalité de ces établissements étaient municipaux. Beaucoup de villes délèguent désormais cette activité au privé; les entreprises aussi y réservent des places pour leurs salariés.
Le secteur a triplé depuis 2010, dépassant désormais le milliard d’euros de chiffre d’affaires, indique l’institut de recherche Xerfi dans son étude « Les crèches privées à l’horizon 2020 » publiée en février.
L’équation est simple: il y a 2,3 millions d’enfants de moins de trois ans en France … et seulement 436 000 places en crèche.
Outre les micro-crèches, dont le nombre explose, le marché se structure autour de trois gros acteurs: Babilou (500 crèches), Grandir (Les Petits Chaperons Rouges, 400 crèches) et People & Baby (300 crèches).
« Le privé a beaucoup fait pour le secteur », estime Odile Broglin, puéricultrice et cofondatrice de People & Baby.
Il est vrai que l’arrivée de nouveaux acteurs a donné un coup de fouet au secteur. Aujourd’hui, les crèches, privées comme publiques, ne sont plus des simples garderies mais des lieux éducatifs.
On y apprend ainsi le goût, avec des repas élaborés sur place à partir de produits frais et bio, et on y cultive des mini-potagers éducatifs. On y fait ensuite attention à l’environnement. Du « zen » et « du beau », des produits d’entretien non chimiques chez People and Baby; des structures en bois made in Jura pour La Maison Bleue.
Autres pratiques à la mode: utiliser la langue des signes pour aider les enfants qui ne parlent pas encore à gérer leurs émotions, faire faire du Qi Gong ou de la sophrologie.
« On les allonge sur le dos, doudou sur leur ventre et on leur fait lever le doudou vers le ciel », raconte Sylvain Forestier, président de La Maison bleue (250 crèches).
– Tétine-thermomètre –
En plein cœur du quartier du Marais à Paris, une crèche bilingue du groupe People & Baby va encore plus loin: robot-aspirateur qui joue et chante avec les enfants, tétines connectées qui prennent la température et transmettent la donnée sur le smartphone du puériculteur, tables lumineuses, vidéoprojecteurs qui projettent des ambiances comme des aquariums animés sur les murs….
Le tout fonctionnant sans wifi, formellement interdit dans les crèches.
« Ca suscite beaucoup de questions, mais ce sont avant tout des choses étonnantes et rigolotes qui correspondent à l’air du temps et au quartier », tempère Anaïs Nagid, la directrice de la crèche.
People & Baby, qui revendique une approche haut de gamme, veut poser le sujet sur la table et… faire parler de lui. la société a ainsi organisé deux expositions, à Lyon et Paris, présentant des objets connectés, glanés notamment au salon de l’électronique CES de Las Vegas.
On y voyait un berceau qui détecte par des capteurs mouvements et pleurs pour se balancer automatiquement. Ou un body connecté à une application permettant de mesurer la respiration, la position, la température de l’enfant.
Des initiatives observées fraîchement par ses concurrents. « Le numérique ne peut pas se substituer à l’accompagnement de professionnels » car « le cerveau de l’enfant se développe de 35 à 85% entre la naissance et cinq ans en fonction des liens permanents qu’il a avec son environnement », réagit-on chez Babilou.
« La technologie doit être au service de la pédagogie et la tétine connectée, je suis pas certain que ça apporte quelque chose. Ca pose surtout la question de cet objet connecté dans la bouche d’un enfant », observe M. Forestier, par ailleurs président de la Fédération française des entreprises de crèches (FFEC) dont People & Baby n’est plus membre.
Des positionnements différents, parfois gadgets, signe d’un secteur qui devient progressivement concurrentiel. Et qui a encore de gros défis à relever selon Cathy Alegria, auteure de l’étude Xerfi: mettre fin à la pénurie d’auxiliaires de puériculture et éviter une baisse des fonds publics qui les financent en majorité.
(Crédits photo : FatCamera / Istock.com )