RETOUR SUR – Deux ans après l’interdiction des sacs plastiques fins, un bilan mitigé
(AFP) – Faire ses courses avec son cabas ou son sac en tissu sous le bras: deux ans après l’interdiction des sacs plastiques jetables, les Français s’y sont mis peu à peu mais pas partout, et le bilan chiffré de cette mesure se fait attendre.
Le 1er juillet 2016, les sacs plastiques fins, dits « à usage unique », disparaissaient des caisses. Le 1er janvier 2017, c’était au tour de ceux utilisés pour d’autres usages (fruits et légumes, poisson, produits en vrac…) d’être interdits.
Ils étaient jusqu’alors largement distribués et se retrouvaient jusque dans les océans, alors qu’ils mettent environ 400 ans à se décomposer.
L’Union européenne a tranché en 2015: les États membres doivent réduire le nombre de sacs plastiques fins à 90 par personne et par an d’ici 2019, puis 40 d’ici 2025.
En France, avant l’interdiction, 5 milliards de sacs plastique fins étaient distribués annuellement en caisse et 12 milliards pour d’autres usages.
Deux ans plus tard, les cabas, sacs en tissu ou en plastique épais se sont imposés aux caisses. Les fruits et légumes doivent être emballés dans du papier kraft ou des sacs plastiques bio-sourcés (conçus à partir de matériaux renouvelables comme l’amidon de pomme de terre) et biodégradables (par des bactéries, des champignons…).
Il faudra attendre le rapport d’évaluation de la loi, initialement attendu début 2018, pour en mesurer précisément les effets. Aucune date pour ce rapport ni données chiffrées n’étaient disponibles auprès du ministère de la Transition écologique, contacté par l’AFP.
– Le casse-tête du recyclage –
Dans la grande distribution, la tendance était lancée depuis plusieurs années. « On était passé de 10,5 milliards de sacs de caisse en 2002 à 500 millions en 2014 », indique à l’AFP Philippe Joguet de la Fédération du commerce de la distribution (Auchan, Carrefour, Darty, Décathlon, Leader Price, Monoprix…)
Les sacs étant devenus payants, les clients avaient pris l’habitude d’apporter les leurs.
La grande distribution met aujourd’hui en circulation environ un milliard de sacs réutilisables chaque année, estime-t-il. Les cabas sont réutilisés au moins une vingtaine de fois et les sacs en plastique épais – plus de 50 microns – une dizaine de fois.
Le changement a été plus compliqué pour les autres usages (fruits et légumes et autres), selon Philippe Joguet, avec la nécessité de « réorganiser les circuits d’approvisionnement » et nouveaux sacs plus chers.
« Les chaînes de la grande distribution ont bien respecté la mesure », confirme Laura Châtel de l’ONG Zéro Waste.
Elle regrette pourtant que les sacs soient encore proposés « de manière quasi-systématique » chez les petits commerçants ou dans la vente à emporter. D’autant plus problématique que les sacs sont souvent petits et difficilement réutilisables.
Les sacs bio-sourcés/et ou biodégradables, eux, peuvent être source de confusion. Les consommateurs ne savent pas toujours comment les recycler ou pensent qu’ils se dégradent dans la nature, ce qui est faux.
– Bientôt les pailles –
En ville, ces emballages biodégradables finissent souvent dans la poubelle normale, en attendant l’extension du compostage. Quand un compost existe, il faut respecter certaines règles pour que les sacs se décomposent correctement: « On est encore dans un moment de flottement », résume Laura Châtel.
Mais l’essor des sacs bio-sourcés a permis de créer une filière en France, quand la grande majorité des sacs était auparavant importée d’Asie, relève Emmanuel Guichard, délégué général d’Elipso (syndicat des entreprises de l’emballage plastique). Le groupe familial Barbier, spécialisé dans les films et sacs plastiques, a ainsi pu conserver l’usine de Sainte-Sigolène (Haute-Loire) qu’il envisageait de fermer et pu embaucher une vingtaine de personnes.
Autre problème, l’apparition de sacs papiers avec une fenêtre en plastique pour vérifier la marchandise, eux aussi difficilement recyclables.
Le sac plastique fin n’a donc pas dit son dernier mot. Sur le marché de Belleville, à Paris, on les voit ainsi par dizaines accrochés aux étals des revendeurs de fruits et légumes. L’ONG Surfrider avait fait le même constat cet été sur les marchés de cinq arrondissements parisiens.
Impossible de connaître leur provenance, même si ONG et professionnels pensent qu’ils arrivent de l’étranger par camion, avec la marchandise.
Si la législation a ses limites, reste que cette interdiction « a ouvert la voie » à la suppression des plastiques à usage unique, estime Philippe Joguet de la FCD.
La France veut interdire les pailles, touillettes, couverts et contenants jetables en plastique en 2020. L’UE compte mettre fin aux produits en plastique à usage unique si possible en 2021.
(Crédits photo : Joel Carillet / IStock.com )