Toussaint: manque de place et prix exorbitants, les Parisiens inhumés ailleurs
(AFP) – Ils sont devenus au fil du temps des lieux de promenade, riches en patrimoine, s’éloignant de leur mission d’origine: les cimetières de Paris, faute de place, obligent les familles à inhumer leurs proches hors de la capitale.
« Nous avons tiré la sonnette d’alarme depuis longtemps », se désole auprès de l’AFP Michel Kawnik, président de l’association française d’information funéraire, qui vient en aide aux familles lors de funérailles.
« Malheureusement, avec les choix politiques et la gestion qui ont été faits, il n’y a plus de place dans les cimetières parisiens intra-muros », ajoute ce militant.
La capitale compte pourtant pas moins de 20 cimetières dont 14 sont situés à Paris et 6, en petite couronne, couvrant une superficie de 422 hectares.
Dans la plus grande nécropole de Paris, le cimetière du Père Lachaise, ce sont les Parisiens et touristes qui arpentent les allées, rares sont les proches de défunts venus déposer les traditionnelles chrysanthèmes de la Toussaint.
Parmi les quelque 70.000 concessions que compte le cimetière, on trouve les tombes d’Oscar Wilde, Jim Morrison, Frédéric Chopin, Molière, Yves Montand ou encore Edith Piaf, en passant par Serge Gainsbourg…
« Que des concessions fassent partie du patrimoine historique, qui puisse être conservé, il faut le respecter mais est-ce qu’on veut que les cimetières parisiens intra-muros ne soient que des musées de nécropole? », s’interroge, amer, Michel Kawik.
Et la situation ne va pas s’améliorer, comme le souligne un récent rapport de la Chambre régionale des comptes (CRC), anticipant une hausse de la demande et une insuffisance de l’offre.
– Un cimetière pour « nantis » –
Pour sa défense, la mairie de Paris rappelle que la situation n’est pas nouvelle et date d’un siècle: avec l’augmentation de la population parisienne au XIXe siècle, et des décès, les premiers signes de saturation se sont fait sentir dès les années 1850.
La situation avait contraint les autorités de l’époque à créer six autres cimetières, situés en petite couronne, et propriétés de la capitale: en Seine-Saint-Denis (La Chapelle, Saint-Ouen, Pantin), dans le Val-de-Marne (Ivry, Thiais) et Hauts-de-Seine (Bagneux).
« Il y a quelques années encore, on avait éventuellement des listes d’attente pour Paris mais maintenant, ce n’est plus possible », ajoute M. Kawnik, selon qui « la seule possibilité serait d’avoir des +passe-droits+, ou de se rabattre sur l’un des six cimetières situés en dehors de Paris » et propriétés de la Ville.
En 2017, 8.098 inhumations ont eu lieu dans les cimetières parisiens (3.150 en intra-muros et 4.948 en extra-muros), et 171 concessions ont été accordées dans la capitale pour plus de 5.000 demandes, selon les données de la mairie de Paris.
« La Ville garantit à tous les Parisiens qu’ils pourront acquérir une tombe même si cela n’est pas toujours possible de choisir le cimetière », répond l’adjointe à la mairie de Paris en charge des affaires funéraires, Pénélope Komitès.
Pour résoudre le problème, la mairie essaye de garantir « autant que possible » des « concessions dans les cimetières situés intra-muros », ajoute-t-elle.
Toutefois, la réattribution de nouvelles concessions reste délicate tant les critères sont nombreux (concession vieille de plus de 30 ans, pas d’inhumation depuis 10 ans, un état d’abandon manifeste et plus d’ayants droit).
Dernière solution portée par la mairie: la vente de concession pour une durée limitée (10, 30 ou 50 ans), et non perpétuelle comme cela a été longtemps le cas.
Au-delà du manque de places, les prix sont prohibitifs: si à Paris, une concession perpétuelle de 2 m2 coûte 16.000 euros, au cimetière de Thiais, elle est quatre fois moins cher (près de 4.000 euros).
Dépité, Michel Kawik n’en démord pas: « Le cimetière intra-muros parisien est réservé aux nantis ».
(Crédits photo : jacquesvandinteren / IStock.com )