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Voiture autonome: la Chine parée pour faire la course en tête

30
avr
2018

(AFP) – La Chine se rêve en champion de la voiture autonome, technologie cruciale où rivalisent géants internet et constructeurs, avec l’appui volontariste du gouvernement — à l’heure où aux Etats-Unis un récent accident pourrait au contraire refroidir les ardeurs du secteur.

Avec ses villes engorgées à la circulation chaotique, le géant asiatique semble un terrain compliqué pour tester des véhicules sans chauffeur. Mais les essais s’y multiplient, faisant du pays, premier marché automobile mondial, un eldorado de cette technologie pouvant précisément remédier aux embouteillages chroniques.

Aux Etats-Unis, l’accident courant mars d’un véhicule autonome du géant des VTC Uber a tué une piétonne, ravivant les craintes sur la fiabilité des solutions développées… et la perspective d’un durcissement réglementaire.

L’Arizona a interdit à Uber de poursuivre ses expérimentations sur ses routes, tandis que le japonais Toyota suspendait ses propres tests.

Contraste frappant: quelques jours après, le géant internet chinois Baidu recevait le feu vert de la municipalité de Pékin pour tester une voiture autonome dans la capitale chinoise, à la suite du constructeur local BAIC et de la startup Nio dans d’autres villes.

Et mi-avril, Pékin établissait « une feuille de route nationale » pour accélérer l’essor de véhicules intelligents.

Avec ses géants technologiques et l’appui des autorités, « la Chine a un écosystème meilleur que la Silicon Valley, qui sera plus prudente par crainte des procès après l’accident d’Uber », observe Ferdinand Dudenhöffer, directeur du Center Automotive Research, basé en Allemagne.

Illustration avec Toyota, qui entend désormais reprendre ses tests… en Chine.

– L’ogre Baidu –
Autre atout: l’avance des groupes télécoms chinois (Huawei, ZTE) dans la 5G, l’internet mobile ultra-rapide indispensable aux voitures autonomes, ajoute l’analyste. « D’ici 2025, la Chine veut la 5G sur l’ensemble du territoire. Elle est très loin devant l’Europe. »

Enfin, le potentiel colossal du marché chinois « attire les investissements des constructeurs » qui en font leur laboratoire, abonde Jeremy Carlson, du cabinet IHS. « Mais c’est un marathon, pas un sprint… »

En amont du peloton, Baidu joue un rôle moteur: spécialiste d’intelligence artificielle, il collabore avec les constructeurs chinois JAC, BAIC et Chery pour lancer des véhicules semi-autonomes d’ici 2020, et avec King Long pour un mini-bus automatisé produit cette année.

La voiture Chery pourra changer seule de voie, doubler, détecter des obstacles, garder ses distances… sans intervention du conducteur, celui-ci reprenant néanmoins la main pour des situations complexes, indique Xing Yuan, responsable « véhicules intelligents » chez Baidu.

Surtout, Baidu, qui a établi un fonds de 1,3 milliard d’euros consacré à la conduite autonome, gère la « plateforme ouverte » Apollo où il partage ses technologies avec startups et constructeurs. Une façon de rivaliser avec l’américain Alphabet (maison-mère de Google) et sa filiale Waymo.

Apollo, couplé à la taille du marché chinois, permet de collecter les données nécessaires « pour nourrir l’ogre de l’intelligence artificielle » et perfectionner les algorithmes, assure M. Xing.

Tencent et Alibaba, autres mastodontes du web local, élaborent parallèlement leurs propres solutions.

– Laser –
Enfin, les acheteurs d’automobiles en Chine sont plus jeunes, « ouverts et mieux préparés » aux développements technologiques, constate M. Carlson.

Dans un sondage publié en décembre par Ford, 83% des Chinois se disaient enthousiastes sur l’avenir des voitures autonomes… contre 50% des Américains, et encore moins des Européens.

Les équipementiers se préparent à profiter de la manne, à l’image du français Valeo, qui propose capteurs ultrasons, caméras, radars et un laser-scanner innovant. Des éléments cruciaux pour qu’une voiture intelligente analyse son environnement.

« En perfectionnant cette suite de capteurs, on n’est plus loin des technologies requises » pour des voitures autonomes « de niveau 4 », se passant entièrement de conducteur en toute situation, explique François Marion, président de Valeo Chine.

Avant d’arriver à ce Graal et à une commercialisation, les difficultés restent cependant légion.

Volvo Cars a rallongé son calendrier pour lancer des SUV autonomes: « Nous avons réalisé que c’était bien plus compliqué qu’une interface conducteur-machine. Nous devenons plus sceptiques, les dangers demeurent », commente Hakan Samuelsson, patron du groupe.

Si Baidu table sur la mise en circulation de voitures 100% autonomes d’ici « trois à cinq ans », le ministre chinois de l’Industrie évoque un délai de huit à dix ans vu les contraintes de sécurité.

Pour Trevor Worthington, vice-président de Ford, la solution pourrait être l’interconnexion des véhicules, capables de communiquer entre eux et avec des infrastructures intelligentes. « Les défis existent. Mais nous n’investirions pas cet argent si nous n’y croyions pas », insiste-t-il.

(Crédits photo : FRED DUFOUR / AFP )


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