Des perspectives moroses
Saturation des marchés automobiles
L’Europe automobile est arrivée à son apogée, et c’est le renouvellement lié à l’usure ou à un accident qui est à l’origine de la majorité des achats. Démographie atone, coûts énergétiques, contraintes économiques, réglementation environnementale contraignante, saturation urbaine et concurrence accrue de modes de transport alternatifs sont autant de facteurs qui expliquent la fin de l’âge d’or de l’automobile.
A noter, parmi les huit pays étudiés dans l’Observatoire Cetelem, seule la Turquie possède encore un véritable potentiel de croissance avec un taux d’équipement inférieur à 100 véhicules pour 1000 habitants en 2011, loin des standards européens.
Des perspectives démographiques en berne
L’usage automobile est fortement lié à l’âge et à l’activité. Il n’est pas homogène et le cycle de vie automobile suit le cycle de vie individuel. Logiquement, plus on avance en âge, plus les usages automobiles ont tendance à diminuer. Or, à l’exception là encore de la Turquie, l’Europe vieillit, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les marchés automobiles. Si cette vision reste vraie, les “âges automobiles” évoluent. Côté jeunes, la désaffection est manifeste. Petite lueur d’espoir , il y a peu de risques que la génération des jeunes retraités, dite du “papy boom” qui a passé le permis de conduire et eu une vie “tout auto”, abandonne définitivement la voiture.
Crise énergétique et environnement
Des chocs pétroliers en série ont fini par rendre la facture énergétique insupportable. Le poste carburant pèse tellement dans le budget des ménages que beaucoup d’entre eux sont contraints de réduire leur déplacement.
Autre facteur qui joue sur les marchés européens, la place de l’automobile a connu une sérieuse remise en cause. Au niveau de l’Union européenne, le transport routier génère près d’un cinquième des émissions de CO2, les voitures particulières représentant environ 12 % de cette proportion.
Ainsi 19 pays de l’Union européenne ont choisi de baser, partiellement ou totalement, la taxation des voitures particulières sur les émissions de CO2. Ces contraintes réglementaires toujours plus étendues obligent les constructeurs à investir massivement pour atteindre les objectifs fixés, et cela tire inexorablement les coûts de production, donc les prix de vente, à la hausse.
Pour réduire la pollution de l’air imputable aux véhicules, d’autres initiatives locales ont vu le jour : les zones à faible émissions et les péages urbains. Cette « sanctuarisation » des centres urbains entretient une image plutôt dégradée de l’automobile.
Les véhicules hybrides et électriques présentent l’avantage de passer les contrôles de qualité de l’air urbain et représentent à ce titre une solution potentielle aux problèmes rencontrés par l’automobile. En revanche, le prix de ces véhicules représente encore une barrière infranchissable pour nombre de ménages. De même que le manque d’infrastructures de recharge, qui pourrait dissuader les premiers candidats.
Des dépenses toujours plus contraintes
Pour comprendre l’évolution des dépenses en automobile, il convient de resituer celles-ci dans les dépenses globales des ménages. Dans un contexte où le pouvoir d’achat est menacé, et où les dépenses contraintes viennent encore grever les budgets de consommation, il est finalement peu étonnant de constater une relative stagnation, voire une légère érosion, des dépenses liées au transport. Coûts d’acquisition en hausse, envolée des prix du pétrole : la cherté automobile n’est pas un mythe, et le consommateur, contraint par un pouvoir d’achat en berne, est obligé d’arbitrer.
Face à l’augmentation des coûts liés à l’automobile, le consommateur rationnalise ses usages dans ce secteur. Plus de la moitié des Européens déclarent d’ailleurs réduire leurs usages automobiles. Les Portugais et les Britanniques sont les plus nombreux à le faire, alors que, pour les Allemands, la voiture reste sacrée ! Le consommateur fait également attention à ses achats : report du renouvellement, achat de véhicules plus petits, achats d’occasions sont autant de stratégies pour contourner la cherté automobile ! Ainsi 73 % des Européens reportent leur achat dans le futur, se contentant de leur voiture actuelle ou préférant “ne pas engager cette dépense”.
Conséquence de ces renouvellements automobiles tardifs : le parc européen vieillit. De plus, et toujours pour des raisons financières, les consommateurs se tournent vers le marché de l’occasion ou choisissent des véhicules appartenant à de plus petits segments.
Priorité à l’achat raison
Pour près de neuf Européens sur dix, la raison l’emporte sur la passion : 89 % des consommateurs se disent essentiellement attachés à la sécurité, aux coûts d’entretien et d’utilisation. Ils entretiennent un rapport raisonné à l’automobile, ce que souligne bien leur volonté de ne pas avoir de problème avec leur voiture et leur préférence pour des véhicules aux puissances raisonnables (les aspects puissance et vitesse étant jugés inutiles compte tenu des limitations de vitesse en vigueur). Seuls les Portugais placent la « voiture passion » au-dessus de la moyenne européenne : 75 % d’entre eux font rimer passion et automobile. Pour les Français, 68 % accordaient de l’importance à la passion automobile en 2005, ils ne sont plus que 55 % à le faire en 2013. Dans un contexte économique difficile, les automobilistes adaptent donc leurs comportements : recherche de la bonne affaire, d’un « bon prix », quitte à descendre en gamme ou à opter pour un véhicule d’occasion, rationalisation des déplacements et choix d’une motorisation plus économique pour limiter les dépenses liées à l’usage, et même report du renouvellement.