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Le moteur à essence a-t-il encore de l’avenir ? MCE5 y croit

23
mai
2018

(AFP) – Face à la montée en puissance de l’électrique, le bon vieux moteur à essence a encore un bel avenir devant lui: c’est la conviction de la société MCE5 et de ses passionnés de mécanique qui travaillent à le rendre plus efficace encore.

« L’avenir de la voiture n’est pas 100% électrique. Ce n’est ni possible, ni souhaitable », juge Antoine du Cluzel, vice-président chargé du développement de cette entreprise installée à Villeurbanne, aux portes de Lyon.

L’essor des véhicules électriques et surtout des véhicules électrifiés (hybrides) est inexorable mais MCE5 estime qu’à l’échéance 2040, les voitures thermiques pourraient encore représenter 30% à 50% du marché mondial, à condition de disposer d’un moteur à haut rendement.

En théorie, celui d’un moteur à essence est de l’ordre de 60% mais dans la réalité les meilleurs atteignent tout juste 35%. En d’autres termes, sur 10 litres d’essence, 6,5 litres sont perdus. MCE5 vise lui 50% « en crête » et surtout plus de 45% pendant 75% du temps de conduite. Avec à la clef une substantielle réduction de la consommation de carburant.

Sa solution s’appelle le taux de compression variable (TCV) qui permet de maintenir une pression optimale sur le mélange air-essence dans la chambre de combustion tout en évitant les risques d’explosion spontanée (autoallumage) susceptible d’endommager le moteur.

MCE5 a déjà licencié sa technologie au chinois DongFeng et discute avec d’autres constructeurs, le plus souvent émergents. « Les groupes automobiles les plus matures technologiquement peuvent dupliquer nos technologies en 12 mois », reconnaît son président Jean-François Roche.

– le fils de Pierre Rabhi –

La société de Villeurbanne n’est pas un bureau d’études comme peuvent l’être les AVL (Autriche), Ricardo (Grande-Bretagne), IAV ou autre FEV (Allemagne), auxquels les grands constructeurs font régulièrement appel.

Son modèle c’est plutôt celui des biotechs, qui développent sur fonds propres des médicaments innovants avant de les céder à un stade proche de la commercialisation. « On donne aux industriels un droit à produire et ça leur coûte tant », résume M. Roche. 

La société a vu le jour en janvier 2000 à l’initiative de Vianney Rabhi, « un autodidacte de génie », fils du chantre de l’agro-écologie Pierre Rabhi, qui travaillait déjà depuis plusieurs années sur les défis de la compression variable.

M. Roche, entrepreneur « passionné d’automobile », Ardéchois comme les Rabhi, rejoint le groupe à ce moment-là. Pendant 15 ans, MCE5 ne génère aucun chiffre d’affaires mais investit 145 millions d’euros en R&D et dépose plus de 300 brevets dans le monde.

MCE5 a survécu pendant cette période grâce aux aides publiques à l’innovation et surtout grâce à ses actionnaires, avec 26 augmentations de capital en 18 ans.

MCE5 en compte aujourd’hui près de 700, dont l’industriel nordiste Michel Mulliez (32% du capital), le président de Nestlé, Paul Bulcke, ou la principauté de Monaco.

– Une cotation à Hong Kong ? –

La société a commencé a dégager du chiffre d’affaires il y a trois ans. En 2017, celui-ci n’a pas dépassé 5 millions d’euros mais le groupe vise 40 millions dès 2019 – avec à la clef de premiers bénéfices.

Car à chaque fois qu’une voiture est produite en utilisant la technologie de MCE5, ce sont quelques dizaines d’euros de royalties qui tombent dans ses caisses…

Les revenus pourraient dépasser les 100 millions d’euros en 2023 et les 250 millions en 2026 sur la base – « extrêmement réaliste, voire pessimiste » – de 5% du marché mondial. « Car rien ne nous empêche d’en avoir 10% à 15% », lance le dirigeant.

Reste que parmi les grands du secteur à ce jour, seul Nissan mise sur le TCV. Le partenaire de Renault doit commercialiser cette année un modèle Infiniti (sa marque de luxe) reposant sur une « solution assez proche de la nôtre », relève M. Roche. Mais le groupe japonais compte « la décliner par la suite sur l’Altima, son modèle le plus vendu aux Etats-Unis », assure-t-il.

Pour Gaëtan Monnier, spécialiste des motorisations à l’IFP Energies nouvelles, ce relatif désintérêt est dû au fait que le TCV était « une très bonne idée il y a quinze ans » qui se heurte aujourd’hui aux technologies concurrentes. L’avenir est aux moteurs essence-électricité, or hybridation et TCV sont des technologies difficiles à réunir sur un même groupe propulseur.

Quoi qu’il en soit, l’heure est venue pour les actionnaires – dont les 60 salariés – de toucher les bénéfices de leur investissement dans une société dont la valeur a été multipliée par 215 depuis sa création.

« Nous avons plusieurs options », relève M. Roche. « La Bourse en est une, pas la seule, et pas forcément en France. Si demain, vos trois premiers clients sont chinois, ne serait-il pas opportun de se faire coter à Hong Kong où les valorisations et la liquidité sont meilleures qu’à Paris ? »

(Crédits photo : FRANCK FIFE / AFP )


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