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Au dessus du macadam parisien, des fraises défient les saisons et la gravité

30
août
2018

(AFP) – Sous une lumière aveuglante, des bourdons butinent de fleur en fleur. Fin août-début septembre, la saison des fraises est passée depuis longtemps, mais en plein Paris, sur des panneaux verticaux, la récolte bat son plein.

Sans soleil ni terre, 900 plants de fraisiers alignés défient le calendrier du jardinier à l’intérieur d’un conteneur de transport maritime posé le long d’un trottoir du 13e arrondissement.

Fruit de l’imagination de deux fils d’agriculteurs diplômés d’une école de commerce, Gonzague Gru et Guillaume Fourdinier, la startup Agricool doit autant à l’agriculture qu’à la recherche, un peu à l’esprit recyclage, et beaucoup aux investisseurs : elle a levé plus de 12 millions d’euros depuis 2015.

Aujourd’hui, une soixantaine de jeunes agronomes, ingénieurs et « agricoolteurs » plantent, récoltent et commercialisent les fraises. Mais leur première mission est la recherche, pour améliorer sans cesse le climat « recréé » (lumière, température, humidité, etc.) dans des espaces de 33 mètres carrés au sol.

Dans ces mini-laboratoires connectés, modulables et transportables, se dessine l’agriculture urbaine de demain : des récoltes quatre fois par an, tout près des lieux de consommation. Agricool dispose de cinq conteneurs en activité, quatre en Ile-de-France et un à Dubaï.

« Notre objectif, c’est de pouvoir rendre accessibles à tous des fruits et légumes meilleurs et sans pesticides », explique Guillaume Fourdinier à l’AFP.

En arrivant en ville pour ses études, cet enfant de la campagne trouvait que les fruits et légumes étaient trop chers et n’avaient aucun goût.

– Sans pesticides –
« Il y a trop de distance entre le champ et l’assiette, c’est 1.500 km en moyenne en Europe et 2.400 km en moyenne aux Etats-Unis, cela détruit complètement le goût et les qualités nutritionnelles du fruit, du coup, on a besoin de recréer de l’agriculture dans les villes », dit-il.

Mélanie Béranger, ingénieure-agronome salariée depuis un an et demi, récolte « des fraises environ tous les trois mois, à raison de 20 kilos par jour environ, soit quelque 80 barquettes de 250 grammes, pendant cinq semaines ».

Les fraises – variété Magnum – cueillies à maturité, se vendent ensuite dans le quartier, à 4,50 euros la barquette, soit « la gamme de prix des fraises bio », explique la responsable marketing Josephine Ceccaldi.

Les plants ne poussant pas dans la terre, les fruits n’ont pas droit au label bio. Mais, sans pesticide chimique et dans un univers aseptisé, ils sont propres et leur goût est frais.

Les racines des plants, cachées de la lumière dans des godets, reçoivent à intervalle régulier de l’eau enrichie des éléments minéraux nécessaires. Les feuilles sont illuminées par des ampoules LED, ce qui permet la photosynthèse. La pollinisation des fleurs est assurée par des bourdons.

Principal frein au développement, le coût de revient. Agricool, pourtant pas avare de chiffres et de superlatifs, « ne communique pas » sur sa consommation d’électricité.

« Nous nous améliorons en permanence, et nous avons développé nos propres LEDs adaptés aux besoins de ces fraisiers, afin de réduire la consommation » se contente de dire Joséphine Ceccaldi, en précisant qu’Agricool utilise des énergies renouvelables.

– Dans l’espace ? –
L’ambition de Guillaume Fourdinier est de parvenir à un « modèle qui se finance par lui-même » et d’ouvrir le système à d’autres fruits ou légumes.

« On ne pourra jamais nourrir une ville entière de cette manière » tempère Jacques Perigaud, ancien ingénieur CNRS spécialisé en horticulture : « il faut compter 100 m2 de jardin bien serré pour nourrir un homme pendant un an à Paris ».

« Mais, avoir des fraises toute l’année près de chez soi, c’est parfait pour les diabétiques, la fraise étant très peu sucrée » dit-il à l’AFP.

Cette technique de culture est déjà largement utilisée dans les fermes urbaines industrielles qui fleurissent en Asie ou en Amérique du Nord. Le frère d’Elon Musk, Kimbal, a ouvert un programme d’incubateur de fermes verticales et urbaines à New York.

Au delà, se dessine le rêve encore un peu fou de la production agricole dans l’espace pour nourrir d’éventuelles futures colonies. « Pour l’instant, il n’y a pas suffisamment de monde pour que cela nous intéresse » dit Guillaume Fourdinier, « mais oui, on pourrait, car on a recréé » la nature « à partir de zéro ».

(Crédits photo : anilakkus / Istock.com )


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