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De Clio à e-Tron, nommer ses modèles de voiture reste un exercice périlleux

05
mar
2019

(AFP) – Design à se damner, options futuristes, performances affriolantes… Tout peut être rejeté à l’arrière-plan en cas d’emballement négatif sur le nom d’un nouveau modèle automobile, entre sonorités évocatrices ou signification vulgaire à l’étranger. Un scénario contre lequel les entreprises se prémunissent.

Il y a la Mazda Laputa ou le Mitsubishi Pajero – « branleur » en espagnol -, difficiles à assumer dans les pays hispanophones; la Buick LaCrosse peu en cour au Québec où « se crosser » veut dire se masturber; la Tata Zica renommée Tiago en urgence pour cause d’homophonie avec un virus dangereux, ou plus récemment la gamme e-Tron de chez Audi, qui fait ricaner les esprits mal placés en France.

Concernant ce dernier exemple, sorti à partir de 2009, « je ne peux pas imaginer qu’il n’y ait pas eu un contrôle linguistique », estime Nadège Depeux, directrice stratégie de marque et expert ès « naming » du cabinet Labbrand.

– 1.000 experts –
Car les marques ne laissent évidemment pas ces choix au hasard: ce chantier intervient même « en aval du processus de design du véhicule, en sachant que les deux sont un peu entremêlés », explique Jean Coulon Martel. Le directeur du « naming » pour l’agence Nomen, qui travaille notamment avec Renault, a « la chance de voir des véhicules qui sont encore en réflexion, mais où les grandes lignes sont arrêtées ».

La dimension internationale du nom est aussi envisagée très tôt. Nomen peut solliciter « plus de 1.000 experts, linguistes, traducteurs, professeurs de leur langue maternelle vivant dans le pays en question », explique le spécialiste.

Le terme est-il prononçable facilement? A-t-il des évocations négatives? La liste de noms envisagés se réduit de plus en plus, pendant que sont menées en parallèles les recherches juridiques: ce nom parfait n’a-t-il pas déjà été déposé par une marque concurrente dans tel ou tel pays dont le marché est prometteur?

Labbrand, dont la maison-mère est à Shanghaï, s’est notamment spécialisée sur le « naming » en Chine, où le changement d’alphabet rend plus complexe le choix des noms.

– Risque du nom « creux » –
Le coût de création du nom se chiffre plutôt en dizaines de milliers d’euros; la partie juridique du travail peut coûter jusqu’à quelques centaines de milliers d’euros en fonction du nombre de pays ciblés, mais le volet marketing peut vite se chiffrer en millions.

Dans ces conditions, il est « possible » mais « très coûteux d’un point de vue marketing » de changer le nom du modèle en fonction des marchés ciblés, détaille Vladimir Djurovic, PDG de Labbrand. Qui avertit contre un autre écueil: le recours à des noms « de plus en plus creux, avec lesquels on ne sait plus qui a fait quoi », et qui peuvent entretenir une confusion entre, par exemple, la Tiago de Tata et le Tiguan de Volkswagen.

Comme Mercedes ou Peugeot, certains font le choix d’une nomenclature alphanumérique. « L’avantage, c’est la lisibilité de la gamme et la hiérarchie des modèles, et bien sûr l’attribution à la marque mère », note Nadège Depeux. 208, c’est Peugeot, Classe A, c’est Mercedes. Avec aussi une notion de « sérieux, de technicité ».

– Intemporels Polo, Clio, 911 –
Avec un nom existant, évocateur, le modèle va avoir une « personnalité plus forte », et une meilleure capacité à suggérer les caractéristiques du véhicule. Les berlines ont souvent des noms plus longs, comme la Panamera de Porsche ou la Renault Talisman, tandis que les noms de SUV comportent des consonnes dures, suggérant la solidité: Porsche Cayenne, Renault Kadjar ou Captur.

Et quand on a un bon nom, on le garde! La Golf et la Polo de Volkswagen, la Clio de Renault (dont la 5e génération est présentée mardi au salon de Genève), la Chevrolet Impala ou bien sûr la Porsche 911 sont des modèles de longévité, et les constructeurs sont parfois tentés par le « rétro-naming »: Fiat a réactualisé sa 500, Volkswagen sa Coccinelle.

Vladimir Djurovic reconnaît que l’impact du nom sur les ventes est « assez intangible ». « Un gros produit avec un mauvais nom va quand même se vendre », note-t-il. Quant aux noms peu flatteurs, « une fois que la marque est installée, on ne pense plus au +bad buzz+ d’origine », estime Nadège Depeux, qui cite l’exemple de Nike dont l’évocation ne fait plus trop penser à un verbe fleuri.

(Crédits photo : FREDERIC J. BROWN / AFP )

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