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Développer l’urinoir féminin, un enjeu d’égalité et de sécurité pour les femmes

03
mai
2019

(AFP) – Pouvoir uriner dans les lieux publics de façon hygiénique et en toute sécurité… comme un homme: c’est l’idée que défend Gina Perier, une architecte française de 25 ans qui réside au Danemark, venue à Paris pour participer au concours Lépine 2019 avec son urinoir féminin mobile.

Utilisé dans un bar de Copenhague et déjà en production, l’inventrice, associée à un architecte danois, Alexander Egebjerg, aimerait généraliser son usage dans différents « lieux de vulnérabilité » pour les femmes, tels que les festivals, mais aussi les camps de réfugiés et les zones sinistrées.

Q: Comment expliquer l’absence jusqu’à présent d’urinoirs pour les femmes dans les espaces publics, malgré la simplicité technique et l’intérêt économique d’un tel objet ?

R: C’est une question que je me pose. L’urinoir est le seul objet au monde qui est propre à l’homme et qui, jusqu’ici, n’existe pas en version féminine. Pourquoi ? Un « ted talk » récent démarre par la phrase: « vous vous êtes jamais demandé pourquoi les femmes sont toujours dans des files d’attente pour les WC ? Parce que c’est un monde dessiné par les hommes ». Une autre réponse est que le pipi des femmes est assez tabou. Elles sont souvent appelées par le terme misogyne de « pisseuses ».

J’ai découvert pour la première fois un urinoir féminin extérieur à un festival en France en 2013, puis au Danemark. Ils étaient très appréciés, mais ces urinoirs étaient des essais, des tests, des installations bricolées. Ce n’était pas reproductible facilement, ni des produits finis et industrialisés. Il existe des « piss-debout » (un accessoire conique qui se place entre les jambes, NDLR), un super outil dans le cadre de randonnées, mais Lapee est la première version féminine de l’urinoir mobile masculin tel qu’il est répandu dans tous les endroits où les toilettes sont sous pression.

Économiquement, tout le monde serait gagnant. Les festivals verront leurs ventes de boissons augmenter si les femmes ne sont plus obligées de se retenir et de restreindre leur consommation. 90% des files d’attente pour les WC sont uniquement formées de femmes qui ont envie d’uriner. En moyenne, il faut trois minutes par personne pour utiliser un WC une fois à l’intérieur, il suffit de 30 secondes avec un urinoir.

Q: Comment fonctionne Lapee et comment peut-il contribuer à une sécurisation des femmes dans l’espace public ?

R: Lapee est conçu de la même manière qu’un urinoir masculin et se maintient et se nettoie de la même façon, mais il est dessiné pour les femmes. C’est une plateforme surélevée de trois places, directement connectable à un système d’évacuation et qui contient un grand réservoir de 1.100 litres – soit l’équivalent de trois femmes qui urineraient en continu pendant 48 heures.

Il n’y a pas de porte mais sa forme en hélices de bateaux apporte assez d’intimité. L’urinoir (dont les parois sont hautes de 1,65 m) est conçu afin d’éviter un sentiment de vulnérabilité pour les femmes en position accroupie. Les marches à franchir apportent également de la sécurité puisque la femme est en hauteur et a une visibilité à 360 degrés sur ce qui se passe autour d’elle et personne ne peut regarder par dessus.

Sachant qu’il y a eu beaucoup de cas de violences envers les femmes derrière les portes des toilettes, et plutôt que de devoir faire pipi entre deux voitures par urgence, Lapee pourrait être une solution bien plus hygiénique et protectrice à adopter.

Q: Dans quels autres lieux et cas l’urinoir féminin peut-il être utile?

R: Nos premières cibles étaient les villes et les événements en plein air mais Lapee peut aussi être facilement utilisé dans des situations d’urgence, là où il n’y a pas de système d’évacuation. Je pense aux zones sinistrées ou encore aux camps de réfugiés où l’on m’a rapporté de nombreux cas de violences, et des filles qui n’osaient pas se rendre aux toilettes. Je pense aussi aux endroits où les conditions d’hygiène ne sont pas optimales et notamment dans certaines zones pauvres de pays en développement comme les bidonvilles de Rio, ou en Inde.

Enfin, l’urinoir féminin est aussi durable. Fabriqué en polyéthylène, il est 100% recyclable, empilable au transport, et n’utilise pas d’eau. L’urine peut être récupérée comme fertilisant grâce à sa haute contenance en azote.

(Crédits photo : Martin BUREAU / AFP )

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