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En Serbie, des maisons construites avec des briques de la Rome antique

19
déc
2021

(AFP) – Au sortir de la Première Guerre mondiale, au milieu des champs de ruines en Serbie, le grand-père de Verica avait pris tout ce qui lui tombait sous la main pour construire sa maison. En fait, il s’agissait de briques romaines vieilles de plus de 1.600 ans.

L’édifice qui sert aujourd’hui de maisonnette d’été à la famille Ivanovic, dans le village de Stari Kostolac, au centre du pays des Balkans, est proche de l’ancienne Viminacium, ville et cité militaire majeure sous l’Empire romain.

La famille ne s’était rendue compte que des années plus tard que les briques jaunes étaient en réalité antiques.

Durant des siècles, les habitants du coin se sont servis de briques, mosaïques et sarcophages présents en abondance dans la région, y compris pour faire boire leurs bêtes. Une partie de cet héritage précieux est toujours éparpillé dans les environs.

« C’est un peu embêtant. Je sais que c’est romain. Mais tout le monde le faisait », raconte Verica Ivanovic, 82 ans, à l’AFP.

Les champs autour de Viminacium regorgent aussi de pièces de monnaie, de bijoux et d’objets d’art.

« On ramassait des patates dans un champ. J’ai baissé les yeux et j’ai vue un camée. Quand je l’ai retourné avec ma binette, j’ai vu un magnifique visage de femme », se souvient la vieille dame. « Aujourd’hui, il est au musée ».

– « Mangeoire à cochons » –

Emilija Nikolic, chercheuse à l’Institut d’archéologie de Belgrade, estime que les briques de la famille Ivanovic datent probablement du IIIe ou IVe siècle.

Les spécialistes ont l’habitude de tomber sur des dalles anciennes dans les maisons, fondations et arrière-cours de cette région proche de la rivière Mlava qui se jette dans le Danube.

« Au XIXe siècle, des historiens avaient noté qu’une famille d’un village voisin se servait d’un sarcophage comme mangeoire à cochons », dit Mme Nikolic à l’AFP. Aujourd’hui, cet objet frappé à l’effigie de Jason et la Toison d’or est dans un lapidarium à Belgrade.

Viminacium fut la capitale provinciale de la Mésie supérieure, habitée durant les premiers siècles de notre ère. Mais l’invasion des Huns au Ve siècle sonna le début du déclin et la cité fut abandonnée avec l’arrivée des Slaves au VIIe siècle.

D’après les spécialistes, 30.000 personnes habitaient la ville à son apogée. Plus de 14.000 tombes y ont été retrouvées, ce qui en fait l’une des plus importantes nécropoles de l’Empire romain jamais découverte.

Des dizaines de milliers d’objets et d’édifices y ont été découverts, dont des bains romains avec murs et sols chauffés et une flotte de navires.

Le site est également unique en ce qu’aucune ville ultérieure n’est venue le recouvrir, la seule cité majeure romaine dans ce cas, soulignent les archéologues. Cela signifie qu’une ville entière est là, sous la terre, à portée de pelles.

« On ne peut plus voir Londinium parce le Londres moderne est là. Ni Lutèce, ni Singidunum — Paris et Belgrade ont été construits par dessus », dit à l’AFP Miomir Korac, directeur de l’Institut d’archéologie de Belgrade.

– Menaces –

« Quand on est conscient de cela, on sait qu’on explore ce qui n’a jamais été touché. On s’approche de ce qui est le plus précieux ».

Seulement « 2 ou 3% » du site ont été exhumés pour l’instant mais des analyses approfondies ont révélé que sous les champs de maïs gisaient des temples, un amphithéâtre, un hippodrome, un hôtel de la monnaie, un palais impérial.

En 2015, le site avait été cité au titre du projet transnational « Frontières de l’Empire romain » sur une liste indicative de l’Unesco, toute première étape d’une inscription potentielle au patrimoine mondial de l’humanité.

Aujourd’hui, Viminacium est à nouveau assiégé mais pas par l’armée.

Depuis plus de quatre décennies, le site est menacé par des projets miniers, en particulier une mine de charbon qui a étendu récemment ses activités et une centrale à charbon.

En 2020, les mineurs ont trouvé durant des travaux des bateaux antiques, le plus ancien datant du Ier siècle avant J-C.

Le site est « sans conteste en danger, de nombreux édifices anciens ont déjà été détruits par la construction de la mine », regrette Emilija Nikolic. « On a sauvé ce qu’on a pu ».

(Crédits photo : Andrej ISAKOVIC / AFP )


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