En Suède, un congé paternité longue durée bien installé mais pas encore majoritaire
(AFP) – « C’est génial de passer du temps avec son enfant! »: alors que la France vient de porter le congé paternité à 28 jours, en Suède, où la politique de congé parental est parmi les plus généreuses en Europe, les pères disposent de trois mois minimum mais seule une petite moitié l’utilise pleinement.
« Il y a de nombreux avantages pour la relation avec l’enfant », savoure Alexander Erneborg, un jeune père suédois pendant qu’il se balade avec Oliver, son fils de dix mois, emmitouflé dans sa poussette.
« Notre lien est bien meilleur qu’il ne l’aurait été si je n’avais pas eu autant de congé parental », explique-t-il en parcourant les allées ensoleillées d’Humlegården, un parc du centre de Stockholm.
A 27 ans, ce salarié d’une société informatique n’a plus remis les pieds au bureau depuis mai et n’entend pas y retourner avant au moins janvier. « Je pourrais probablement l’étendre jusqu’à un an sans aucun problème », dit-il à l’AFP.
Dans le royaume nordique, pionnier en matière d’égalité des sexes, les termes « congé paternité » et « maternité » sont bannis du vocabulaire depuis des décennies au profit du « congé parental ».
Les parents se partagent pas moins de 480 jours – dont une partie peut être utilisée jusqu’aux 12 ans de l’enfant. Le salaire, lui, est pris en charge à 80% les 390 premiers jours.
Une politique pour laquelle le pays a consacré plus de 35 milliards de couronnes en 2019, soit 0,7% de son PIB.
Depuis 2016, trois mois sont réservés aux pères qui, s’il ne les prennent pas, les perdent. Un système instauré avec un premier mois en 1995, puis deux en 2002.
– Equation imparfaite –
Comme Alexander, quatre pères sur cinq en Suède prennent aujourd’hui leur congé – non obligatoire – d’après Försäkringskassan, la Sécurité sociale suédoise. La durée moyenne est de 75 jours avant les deux ans de l’enfant.
La parité est toutefois loin d’être parfaite: selon Ann-Zofie Duvander, chercheuse en politique familiale à l’Université de Stockholm, 70% des 480 jours restent utilisés par la mère.
« Cela montre qu’il est possible de faire davantage pour améliorer l’égalité entre les sexes », reconnaît à l’AFP le ministre de la Sécurité sociale Ardalan Shekarabi.
Si quatre pères sur dix prennent désormais au moins trois mois de congé paternité avant les deux ans de l’enfant (contre 11% en 1995), entre 10 et 15% n’en prennent toujours aucun, complète Mme Duvander.
« Les règles traditionnelles de genre sont toujours en vigueur », selon l’experte.
L’indemnisation étant plafonnée à un peu moins de 4.000 euros par mois, les couples ont aussi tendance à privilégier le maintien du salaire encore souvent supérieur du père – selon Eurostat, l’écart salarial entre Suédois et Suédoises était de 12,2% en 2018.
Qu’importe, pour Janina Pogodina, mère de deux enfants, le modèle suédois protège sa carrière.
« C’est formidable pour les femmes », s’enthousiasme cette comptable de 38 ans, en congé depuis la naissance de sa fille de six mois. Son compagnon prendra la relève en mars.
– 15 semaines en Norvège –
En Norvège voisine, autre championne d’Europe en la matière, 15 semaines indemnisées à 100% sont réservées à chacun des parents, qui peuvent ensuite se partager 16 semaines entièrement compensées avant les trois ans de l’enfant.
La Finlande envisage elle d’étendre le congé paternité, actuellement de 54 jours, à près de sept mois pour chacun des parents.
Au sud, l’Espagne a récemment rejoint le peloton de tête avec 16 semaines de congé paternité à compter de 2021 (contre 12 actuellement). Chez le voisin portugais, le père a cinq semaines dont quatre obligatoires auxquels peuvent s’ajouter jusqu’à 150 jours.
L’an passé, le Parlement européen a voté une norme minimale à l’échelle de l’UE de dix jours de congé de paternité, et de deux mois de congé par parent, mais moins bien indemnisé.
En France, Emmanuel Macron a officialisé mercredi un congé paternité porté en 2021 de onze à 28 jours, dont sept obligatoires.
Insuffisant pour Alexander: « davantage de pays devraient pouvoir faire comme nous car maintenant, nous sommes aussi en mesure d’être une vraie figure paternelle et pas seulement quelqu’un qui part travailler et qui revient à la maison punir l’enfant ».
(Crédits photo : JONATHAN NACKSTRAND / AFP )