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Des moutons aux berlines allemandes, l’Uruguay fait voyager sa laine

07
jan
2018

(AFP) – D’une main, Sebastian écarte la tête du mouton, de l’autre, il actionne la tondeuse: en quelques minutes, la bête est mise à nue, première étape d’un voyage qui mènera la laine d’Uruguay jusqu’en Allemagne pour équiper des voitures de luxe.

D’une main, Sebastian écarte la tête du mouton, de l’autre, il actionne la tondeuse: en quelques minutes, la bête est mise à nue, première étape d’un voyage qui mènera la laine d’Uruguay jusqu’en Allemagne pour équiper des voitures de luxe.

Dans cette ferme de Florida, au centre du pays, 17 ouvriers agricoles sont occupés, pendant trois jours, à tondre les 2.600 moutons de la propriété en ce jour de printemps austral.

Certains sont chargés d’aller dans l’enclos agripper les bêtes, qui pèsent de 40 à 50 kilos en moyenne, pour les apporter, à bout de bras, à l’intérieur du hangar où les tondeurs les calent en position assise pour les immobiliser.

« Il y a un vrai esprit d’équipe, nous sommes très organisés entre nous », explique Sebastian Saura, 22 ans, employé au côté de son père Roberto, 53 ans dont 36 passés à tondre des moutons. C’est un emploi physique « qui exige des sacrifices », dit-il.

Niché entre le Brésil et l’Argentine, l’Uruguay ne compte que 3,5 millions d’habitants mais presque le double de moutons (6,6 millions) et est l’un des premiers exportateurs mondiaux de laine.

Pour la vendre, il doit jouer la carte de la mondialisation, seulement 1% de sa production annuelle de près de 30 millions de kilos étant absorbé par le marché national.

Les coûts bas du fret maritime ont aidé: « Cela nous coûte plus cher de faire venir de la laine de Salto, dans le nord de l’Uruguay, que de l’envoyer en Chine », raconte Facundo Ruvira, directeur commercial de Tops Fray Marcos, plus importante usine de lavage et de peignage de la laine du pays, une activité abandonnée depuis des décennies en Europe occidentale.

– Troisième exportateur mondial –

Le pays sud-américain est l’un des derniers au monde à exporter une grande partie de sa laine sous forme déjà lavée et peignée, contrairement à l’Australie et la Nouvelle-Zélande qui l’expédient dans sa version la plus brute.

Sur ce segment, l’Uruguay réussit à se classer troisième exportateur mondial avec une part de marché de 12%, derrière la Chine et la République tchèque.

Si ses laines les plus fines, comme le Mérinos, alimentent l’industrie de la mode de luxe, celles de taille plus épaisse, issue de la race Corriedale (la plus présente en Uruguay), ont trouvé un créneau porteur: les revêtements des voitures haut de gamme allemandes et des avions.

« Le premier client que nous avons, sur ce marché, c’est (le groupe autrichien) Schoeller, depuis 20 ou 30 ans, qui fournit traditionnellement l’industrie automobile et est très exigeant en qualité, car les contrôles sur les voitures haut de gamme sont très stricts », raconte Facundo Ruvira.

Dans son usine, il montre comment la laine est triée entre poils longs et courts, lavée dans différents bacs d’eau froide puis chaude, avec puis sans savon, avant d’être finement peignée et empaquetée.

Le processus apporte de la valeur ajoutée, mais aussi de l’emploi sur place: 150 personnes travaillent dans l’usine Tops Fray Marcos à Libertad, à l’ouest de la capitale Montevideo.

Le voyage prend ensuite 25 jours en bateau vers l’Allemagne, où la laine est transformée en tapis et textiles qui équiperont notamment des voitures BMW et Mercedes-Benz, détaille M. Ruvira.

– Des moutons mieux traités –

A Hard (ouest de l’Autriche), le patron de Schoeller, Kurt Haselwander, vante « la subtilité » de la laine uruguayenne, dont il achète 800 tonnes par an, ainsi que « ses propriétés intéressantes comme l’élasticité et la douceur ».

Il souligne aussi un facteur qui fait la différence par rapport aux Australiens et néo-zélandais: « le meilleur traitement des moutons ».

Contrairement à ses concurrents, l’Uruguay n’a pas recours au « mulesing », technique consistant à couper de la peau autour de la queue des moutons pour éviter les attaques de mouches.

Schoeller fabrique ensuite des fils de laine « utilisés pour les pulls, les sous-vêtements, les gilets, les chaussettes » ainsi que pour « les sièges des voitures premium et les sièges de la classe affaire des avions », cette laine résistant bien aux frottements.

Dans ces véhicules, « on utilise de la laine car elle ne brûle pas, contrairement au synthétique », précise Carlos Piovani, responsable de la tonte au Secrétariat uruguayen de la laine (Sul).

Le synthétique, dérivé du pétrole, a fortement concurrencé la laine, tant au niveau mondial qu’en Uruguay: « Il y a 30 ans, nous avions 20 millions de moutons », raconte M. Piovani.

Mais l’Uruguay mise sur la récente remontée des cours de la laine et se félicite d’avoir gagné en qualité, donc en valeur de production.

Comme le souligne M. Piovani, le pays « continue d’exporter pour 250 à 300 millions de dollars (par an), avec beaucoup moins de laine », soit le même montant qu’il y a 30 ans.

(Crédits photo : PABLO PORCIUNCULA / AFP )

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