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Partie 1 - La voiture, presque un luxe

Un achat incontournable

11 minutes de lecture

Bien que les ventes automobiles donnent des signes d’essoufflement depuis plusieurs années, et pas seulement en raison de la seule crise du Covid, les automobilistes ne semblent pas disposés à s’en passer, en dépit des efforts financiers, à l’achat comme à l’usage, que cela impose. Avec en pierre d’achoppement principale des tensions budgétaires, le carburant, dont les prix à la pompe ont beaucoup augmenté.
Cette nouvelle édition de l’Observatoire Cetelem 2023 de l’Automobile montre qu’ils sont prêts à limiter leurs déplacements pour ne pas trop subir, mais aussi qu’ils ne souhaitent pas être les seuls à agir.

Contexte général

Un marché en souffrance

Et si l’âge d’or de l’automobile, au moins en termes de ventes, était derrière nous ? C’est en tout cas ce que pourrait laisser croire l’évolution des ventes de véhicules neufs à l’échelle mondiale, ces dernières années. La courbe qui documente les chiffres depuis 2005 semble avoir atteint son sommet en 2017, avec environ 70 millions d’unités vendues (Fig. 1). Le rebond enregistré en 2021, suite au choc Covid de 2020, ne peut masquer une baisse tendancielle, le retour à la normale en matière d’approvisionnement, notamment des semi-conducteurs et des livraisons, n’étant pas attendu dans l’immédiat.

Fig. 1 / Contexte

Le rebond enregistré en 2021, suite au choc Covid de 2020, ne peut masquer une baisse tendancielle.

Chez les deux leaders chinois et américain, 2017 constitue aussi le meilleur millésime pour le premier (25 millions de véhicules vendus), et 2016 pour le second (18 millions). Il s’en est suivi une chute brutale qui ne saurait être mise sur le seul compte de la pandémie du Covid (Fig. 2).

Fig. 2 / Contexte

En Europe, au Japon et au Brésil, la situation est plus contrastée mais le constat est plus ou moins le même. Là encore, tous les pays ont enregistré leur record de ventes avant 2021, avec des fortunes diverses d’une année sur l’autre (Fig. 3)

Fig. 3 / Contexte

Des véhicules neufs toujours plus chers

Si les volumes sont à la baisse, il n’en est pas de même concernant le prix des voitures neuves. Dans la plupart des pays de cette étude, il s’inscrit en hausse régulière depuis près de 10 ans, une hausse qui s’élève à plus de 20 % en Chine, aux États-Unis et au Royaume-Uni. En France, en Allemagne et en Espagne, le renchérissement est moindre mais n’en demeure pas moins significatif (respectivement 7 %, 9 % et 7 %). Seuls le Brésil et le Japon, aux évolutions étrangement similaires, connaissent une courbe des prix relativement étale ces dernières années après une nette progression en 2015 (Fig. 4)

Fig. 4 / Contexte

Des prix moyens qui font le grand écart

Dans ce contexte de prix à la hausse, le prix moyen payé par les automobilistes interrogés dans le cadre de cet Observatoire Cetelem s’établit à 16 181 €, légèrement supérieur en Europe (16 712 €). Cette faible différence entre les deux grandes zones géographiques considérées, l’Europe et le « reste du monde », s’explique en grande partie par le prix moyen très élevé constaté en Chine, premier marché mondial, de 27 794 € (Fig. 5)

Fig. 5


Un marché récent où le poids des voitures neuves est particulièrement fort, comparativement aux autres pays. Hormis en Pologne, pays européen où le prix moyen du véhicule acheté est le plus faible (7 964 €), il faut se rendre dans les pays émergents, Brésil, Mexique et Turquie, pour découvrir les prix moyens les plus faibles. À l’opposé, l’Allemagne, pays des grosses berlines, la Norvège, là où la voiture électrique est reine, et les États-Unis, deuxième marché mondial, présentent un prix moyen supérieur à 20 000 €. Avec 16 553 €, la France se situe dans une juste moyenne.

Le poids qu’il en coûte

L’édition 2022 de l’Observatoire Cetelem s’était focalisée sur l’étude du phénomène SUV. Une catégorie de véhicules qui se distingue notamment par leur poids élevé. Pour cette édition centrée sur les coûts, il semblait intéressant de voir comment le prix au kilo d’un véhicule avait évolué ces dernières années. Ce ratio n’est-il pas le point de référence des consommateurs lorsqu’ils font leurs courses (Fig. 6) ?

Fig. 6 / Contexte

Précisons que malgré l’essor du SUV, qui a légèrement « maigri » entre 2011 et 2020 dans sa version essence, mais plus lourd en version électrique du fait des batteries, le poids moyen des véhicules européens est stable, sous la barre des 1 400 kg depuis 2011.

Il ressort pourtant que depuis 10 ans, le prix au kilo d’une voiture est en forte croissance, sous l’effet de celui des matériaux et des équipements qui en améliorent la qualité avec, par exemple, une augmentation de près de 30 % au Royaume-Uni. En France, elle se limite à environ 25 % pour s’établir à 15,92 €. Soit le prix d’un kilo de steak haché.

Un achat qui ne va pas de soi

Un prix raisonnable… à l’occasion

Cette évolution régulière du prix des voitures ne semble pas trop troubler ceux qui les possèdent. 6 personnes interrogées sur 10 jugent raisonnable le prix de leur véhicule. Les Européens sont sensiblement plus nombreux à le penser (7 sur 10). Si on ajuste la focale géographique, on trouve les Portugais et les Autrichiens pour se montrer les plus satisfaits (8 sur 10), alors que les Brésiliens et les Africains du Sud sont beaucoup plus partagés (4 sur 10) (Fig. 7). Deux pays que nous retrouverons souvent associés autour de points de vue communs. 

Fig. 7

L’étude plus détaillée de ces résultats fait en revanche apparaître une plus nette césure entre acheteurs de véhicules d’occasion ou acheteurs de véhicules neufs. 77 % des premiers se montrent satisfaits du prix de leur véhicule contre seulement 57 % des seconds. Un écart conséquent que l’on retrouve dans tous les pays de l’étude.

6 personnes sur 10 jugent raisonnable le prix de leur véhicule.

Des efforts financiers nécessaires

Pour autant, prix raisonnable ne signifie pas facilité d’achat. Si acheter une voiture semble globalement accessible, ce n’est cependant pas sans compter des sacrifices qui viennent estomper le plaisir d’acheter. 7 automobilistes sur 10 estiment que cela est possible mais au prix d’efforts financiers (Fig. 8). À ce sujet, Europe et reste du monde s’expriment à peu près d’une même voix. Un pays fait entendre un discours différent, beaucoup plus positif. Seulement 53 % des Chinois pensent qu’achat d’une voiture et sacrifices financiers sont liés, mais surtout 44 % d’entre eux jugent que c’est vraiment possible pour tout le monde. L’accès irrésistible et rapide d’une large frange de la population à l’automobile, ces dernières années, n’est sans doute pas pour rien dans ce point de vue. 

À l’opposé, 43 % des Turcs estiment que l’achat d’un véhicule est réservé aux seules personnes qui ont les moyens, pour seulement 15 % en moyenne globale. La situation économique et financière tendue que connaît le pays depuis de nombreux mois explique pour beaucoup ce résultat. Avec une hausse de l’inflation sans commune mesure avec celle des autres pays et une chute conséquente de la livre turque, difficile de faire preuve d’optimisme en matière d’achat. Notons également que le sentiment d’une automobile réservée aux seules personnes aisées s’accentue de façon générale chez les non-possesseurs de véhicules puisque 3 sur 10 le partagent.

Fig. 8

Un taux d’effort à son paroxysme

Acheter un véhicule est possible mais exige selon les automobilistes des sacrifices. Le niveau du bien nommé taux d’effort le montre bien. Mesuré par le ratio entre le prix d’une voiture et les revenus moyens annuels, ce taux apparaît proche et supérieur à 1 pour quelques pays (Fig. 9) : un an de revenu intégral pour acheter une voiture.

Faute de statistiques homogènes à travers le monde, l’évolution précise et rigoureuse dans le temps de ce taux d’effort est quasi impossible mais lorsque l’on considère sur la période récente le ralentissement – voire recul – des revenus, et parallèlement la hausse du contenu technique des voitures, notamment électriques, on imagine sans difficulté que ces taux se sont extrêmement tendus. 

Sur la seule zone européenne, les prix des voitures ont augmenté deux fois plus vite que les revenus des ménages en Europe, avant le choc des prix 2020-2022 consécutif à la pandémie et à ses effets de limitation des approvisionnements… Quand l’effort à produire devient trop important, on y renonce… À quand la rupture ?

Fig. 9 / Contexte

Indispensable telle qu’elle est

Des automobilistes pas prêts à renoncer

Cette voiture, accessible mais qui exige des sacrifices, reste fondamentalement chère aux yeux des automobilistes, tant ils s’accordent pour juger sa possession indispensable. Pour trois-quarts d’entre eux, impossible ou presque de renoncer à posséder un véhicule, point de vue qui globalement ne crée pas de scission entre les pays européens et ceux du reste du monde. 

Les plus attachés à leur(s) véhicule(s) se rencontrent aux Pays-Bas, en Autriche, en Belgique et en Afrique du Sud. Les plus dégagés de cette contingence vivent au Brésil, au Japon et en Norvège. Avec précisément 72 % d’automobilistes qui ne se voient pas vivre sans voiture, la France se situe dans une juste moyenne (Fig. 10).

Fig. 10

Comme on pouvait intuitivement s’y attendre, les ruraux sont significativement plus nombreux à se montrer car-friendly. 77 % ne s’imaginent pas sans voiture contre seulement 70 % des urbains. C’est aux Pays-Bas qu’ils sont les plus nombreux alors qu’on en dénombre moins en Turquie et au Mexique.

La segmentation générationnelle fait apparaître des différences plus marquées. 34 % des moins de 35 ans seraient prêts à ne plus posséder de voiture contre seulement 26 % des plus de 35 ans. En Allemagne et en Norvège, ils sont même 1 sur 2 à se projeter dans cette perspective, contre seulement 1 sur 4 en Turquie et 1 sur 5 en Chine. En France, 4 sur 10 des moins de 35 ans partagent cette opinion.

72 % des automobilistes ne se voient pas vivre sans voiture.

Une voiture aimée comme elle est

La voiture est donc indispensable, mais encore plus telle qu’elle est vendue aujourd’hui. En ce sens, que ce soit en termes d’équipements, de technologie embarquée, d’innovation, les constructeurs ont bien fait leur travail et ont convaincu une majorité d’automobilistes de ne plus revenir en arrière sur ces acquis. 6 sur 10 ont en effet choisi de ne pas renoncer à des équipements ou des caractéristiques de leur véhicule au moment de son achat pour le payer moins cher. Les disparités géographiques sont importantes cependant avec les pays économiquement les moins développés qui se montrent moins intransigeants. Au Brésil, en Turquie, en Afrique du Sud, et aussi au Portugal, seulement 4 automobilistes sur 10 ont fait le choix de ne pas renoncer alors qu’en Autriche, aux Pays-Bas, au Japon et en Pologne, ils sont près de 7 sur 10 (Fig. 11).

Entre acheteurs de véhicules neufs ou d’occasion, la différence tient en quelques points, les premiers ayant été 55 % à camper sur leurs acquis, contre 59 % des seconds. Il semble en effet difficile de demander à un vendeur de véhicules d’occasion de supprimer un équipement pour faire baisser son prix, chose plus aisée à envisager tant que le bon de commande d’une voiture neuve n’est pas signé.

Fig. 11

Sous-Partie 1
Edito
Depuis sa création, l’Observatoire Cetelem s’est toujours attaché à prendre le pouls du monde automobile tel qu’il vit, tout en essayant d’anticiper où il va. En cette année qui aura vu
Sous-Partie 3
Utiliser sa voiture : des coûts démultipliés
Si le prix d’un véhicule est perçu comme relativement raisonnable, il en va très différemment au sujet de son coût d’utilisation. Avec des différences marquées, d’un poste de dépense à